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Licorne - Nora Sandor


Licorne

Nora Sandor

Editions Gallimard – mai 2019

Un récit qui porte bien son nom. Sorte de ballade onirique qui dénonce l’usage intensif des réseaux sociaux et qui prend finalement la forme d’un conte absurde. La plume est contemporaine, à la fois simple et soignée. Le style est indéniablement littéraire. Dès les premiers chapitres, les bases d’une vision pertinente, crue et réflexive sur les réseaux sociaux sont posées. Nora Sandor joue sur les clichés (pseudos, photos casi sérigraphiées, destin des personnages...) jusqu’à les rendre grotesques.

Dans "Licorne", l’auteur décrit, le mal-être, la nausée de la vie, propre à la génération d’ados actuelle. Celui-ci est en partie provoqué par les réseaux sociaux qui troublent la réalité, floutent ses contours, l’affadissent, la vident de sa réalité, jusqu’à la rendre inconsistante et vaine. Maëla (l’héroïne pour laquelle je n’ai pas vraiment eu d’empathie...) est d’une normalité morne, presque palpable. Elle aimerait faire ce que l’on attend d’elle, elle est emplie d’espoir et pourtant, elle est complètement désabusée, engluée dans une sorte de vague à l’âme solitaire et silencieux, proche de l’indolence qui la rend inerte. Seule l’actualisation de sa page insta vient inlassablement ponctuer chaque moment de vie, tel un leitmotiv immuable et nécessaire à son existence virtuelle. Maëla voudrait trouver un épanouissement ailleurs, dans le monde parallèle et chimérique des réseaux sociaux. Là où tout semble si facile. Là où les influenceurs sont propulsés au rang de star à partir de rien. Comme si exister pleinement passait par la notoriété virtuelle et instagrammable. Instagram qui sublime le quotidien tout en le polluant. Comme si la vraie vie était fade et grise. Comme si elle était altérée, gommée. Comme si Instagram la réanimait et la magnifiait en y insufflant des couleurs vives et brillantes. Un peu comme Disney a coloré la belle pomme rouge et juteuse dans Blanche Neige... cette pomme éclatante qui n’existe pas. D’ailleurs, Maëla est fan de Mowgli, un rappeur poète et de Baloo son ours des Carpates. Dans notre réalité, ce sont deux personnages que Disney a mis en image pour nous faire rêver. Dans son histoire, ce sont deux êtres oscillants entre mythe et rêve. Ils ont une consistance presque immatérielle. Impalpable. Et personne ne s’étonne de cet ours domestique qui se balade de clip en clip et de ville en ville... L’auteur semble se jouer de cette utopie criante qui passe complètement inaperçue dans son récit. On est donc bien dans un conte qui dérape progressivement vers l’absurde.

Mais c’est aussi et surtout un récit qui éclaire, qui questionne, qui confronte aux réseaux sociaux et leurs travers, sur notre rapport à la vie, aux idoles d’aujourd’hui, au vague à l’âme de la nouvelle génération…

En bref : un conte absurde éclairant. Utilisateurs d’Instagram, il ne vous laissera pas indifférent.

"Depuis plusieurs mois, elle était un peu à côté de son corps [...] elle s’oubliait comme un objet parmi tant d’autres." "Il n’y avait donc rien à vivre [...] qui n’est déjà été vécu.» « Y avait-il quelque part un endroit qui soit un peu pour elle, accueillant ses rêves morcelés, sa chair décevante ? »

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