Mamie Luger - Benoît Philippon
Auteur : Benoît Philippon
Livre de Poche
Parution : Avril 2020
Note : 5/5
380 pages
Résumé éditeur :
Six heures du matin, Berthe, cent deux ans, canarde l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate. Huit heures, l’inspecteur Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière. La grand-mère au Luger passe aux aveux et le récit de sa vie est un feu d’artifice. Il y est question de meurtriers en cavale, de veuve noire et de nazi enterré dans sa cave.
Alors aveux, confession ou règlement de comptes ? Ventura ne sait pas à quel jeu de dupes joue la vieille édentée, mais il sent qu’il va falloir creuser.
Et pas qu’un peu.
Avis lecture :
Attention coup de pelles en vue et surtout un énorme coup de cœur!!!
Berthe a 102 ans, toute sa tête et encore de très bons réflexes, elle semble si fragile mais ne vous fiez pas aux apparences. Elle a vécu à sa façon deux guerres, l'occupation nazie (d'où le surnom de mamie Luger, pistolet utilisé par les nazis qu'elle a dérobé à un jeune nazi un peu trop "assaillant"), la vie à la campagne avec les regards de travers et les racontars... elle va aider un jeune couple de tourtereaux (un peu meurtrier, mais l'amour n'est-il pas plus fort que tout??) à s'enfuir, et pour retarder la police, elle va passer à table... et raconter quelques assassinats (plus ou moins justifiés, à vous de vous faire une idée, aucun jugement dans ce roman, juste des faits).
Je ne donnerais pas plus de détails de l'histoire, chaque petit élément a son importance et je préfère vous laisser la découvrir et vous faire surprendre comme j'ai pu l'être. Et c'est donc placée en garde à vue avec Ventura qu'elle va tout raconter, sans omettre aucun détails! Voilà l'histoire d'un roman très original, qui tord le coup au cliché des vielles dames!
Très peu de temps mort, tant cette grand-mère a de la ressource et une répartie à toutes épreuves! Et des épreuves et des drames, on peut dire qu'elle en a vécue quelques-uns. Avec son franc-parler et son vocabulaire bien à elle et imagé, elle touche en plein cœur (et pas en pleine tête, ça, elle le fait avec sa pelle!).
On alterne cependant entre humour, passage plus noir, l'amour et le suspense... on est captivé par cette plume!
J'ai adoré les histoires de couples de Melle Gavignol et son histoire d'amour avec Luther...mais elles cachent aussi une existence difficile, voir brutale, des choses cruelles qui ne sortent pas des murs des maisons! Un témoignage poignant.
D'une certaine façon, c'est aussi un roman de femmes (sa grand-mère Nana qui fabrique de l'eau de vie et qui donne de précieux conseils, sa mère, elle et quelques personnages féminins qui croisent les lignes de ce roman), un hommage à celles qui se sont battues et qui se battent encore aujourd'hui pour leurs droits et/ou pour leur vie. Elles peuvent être sauvages, un peu rudes, mais aussi sensibles, fragiles et fortes à la fois.
Un texte terriblement féministe, qui amène à réfléchir sur la place de la femme dans la société.
Petit plus (pour certains, ça n'aura pas d'importance, mais pour moi, si) : ce roman se passe dans le Cantal. Berthe habite une maison auvergnate, de famille. Quand elle descend à la cave, je revois ma grand-mère descendre dans la sienne... sa cave avait un plafond un peu bas et la sol était aussi en terre... mais je ne préfère pas savoir quel(s) secret(s) elle renferme!! La gnôle chez nous était dans des vieilles bouteilles de Perrier en verre, avec une étiquette indiquant plus ou moins la contenance et elle était aussi plutôt forte!
Comme je le disais un gros coup de cœur, pour ce drôle de binôme, une mamie déjantée et un inspecteur (Lino ou Lionel, on ne sait plus trop) qui va devoir la faire parler (et l'écouter).
C'est décalé et sacrément original, il m'a fait rire bien sur mais il m'a aussi touché, tout un paradoxe!! L'auteur utilise l'humour pour évoquer des sujets graves et encore très (trop) contemporains tel que le viol, le racisme, la rancune , l'émancipation des femmes et la vengeance...
Je recommande ce roman plein d'humanité, de tendresse et d'émotions avec une serialkilleuse Cantalou. Berthe, une femme libre (jusqu'au bout)!!
Berthe n'avait jamais quitté le Massif Central. Peut-être que l'homme un jour parviendrait à voyager sur la lune? Et peut-être qu'elle quitterait sa chaumière et parcourrait le monde? Cette seconde hypothèse lui paraissait plus improbable.
Wesh, ma gueule, c'est le Scarface du Cantal, la mamie.
Berthe avait un résonnement moderne qui savait ébranler son époque. En tout cas, son interlocuteur. Mais plutôt que d'articuler une antithèse convaincante, Lucien a choisi un argument plus percutant ; il lui a collé une tarte. Moyen ancestral de remettre la femme à sa place sans trop avoir à se justifier de son manque d'intelligence. L'homme s'en était toujours tiré ainsi, alors pourquoi changer?
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