Avec elle
Auteure : Solène Bakowski
Éditeur : Auto édition (09/11/2017)
Résumé :
Il était une fois une famille heureuse et unie. Des jumelles de six ans qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Des enfants fusionnelles qui grandissaient ensemble et s'adoraient. Avant de se jalouser et s'empoisonner. Il était une fois deux fillettes inséparables. Pour le meilleur, ou pour le pire ? Il était une fois une histoire qui n'a rien d'un conte de fées.
Moi, je serai là pour toi, toute la vie. On est plus fortes. Je te le jure. Ils pourront rien contre ça.
Avis :
Ce livre est affreux ! Je pense que je l’ai détesté autant que je l’ai adoré.
J’ai découvert le projet de deux auteures : Solène Bakowski et Amélie Antoine un peu par hasard. Deux livres, indépendants, écrits par deux auteures différentes mais ayant le même point de départ ; que ce serait-il passé si un tout petit élément avait changé. Ne connaissant ni Solène ni Amélie, mais étant très intriguée par cette histoire de jumelles, j’ai pris les deux ebooks à leur sortie il y a plusieurs mois. Pourtant, ce n’est que maintenant que je m’y plonge.
Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi Avec elle plutôt que Sans elle, mais j’ai été très surprise par ma lecture car ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais ; en effet, j’avais dû lire, au moment de la sortie des livres, le résumé de Sans elle et l’histoire ne prenait donc pas la tournure espérée. J’ai attendu mais rien n’est venu et je me suis laissée prendre par la plume envoutante de Solène Bakowski. Car Avec elle est redoutable et remarquablement bien écrit. Des phrases courtes, percutantes, au présent, qui nous plongent en plein cœur du drame familiale. Ce que j’ai détesté, ce sont les sentiments qu’a fait naitre en moi cette lecture, ce sont les personnages, c’est le sadisme de Solène qui nous entraine inexorablement vers une fin que l’on devine, que l’on appréhende et que l’on n’espère pas ; parce que tout va s’arranger n’est-ce pas ?
L’auteure analyse alternativement les sentiments de Patricia (la mère), de Thierry (le père) et de Coline et Jessica (les jumelles). On suit la famille sur plus de 13 ans, du jour où tout a changé jusqu’à la conséquence de l’ensemble des décisions prises sur ces années. Tour à tour, on les déteste, puis on les comprends, on se laisse embobiner, on éprouve de l’empathie pour ces pauvres personnages cabossés. Il n'y en a qu'une que j’ai aimé tout du long : Coline.
L’auteure nous démontre à plusieurs reprise qu’un simple choix peut avoir des répercussions et des conséquences sur le long terme et sur plusieurs personnes. Il y aurait pu avoir une multitude de livres dérivés partant tous de moments différents de la vie de cette famille. J’ai été saisie par l’égoïsme de certains personnages, préoccupés uniquement par leur propre intérêt, et cela, malgré l’amour qu’ils peuvent porter aux autres membres de la famille ; le pire, je pense, est de les entendre penser que ce sont les autres qui sont égoïstes. Mais il faut avouer que l’on a un petit avantage par rapport à eux : on connait l’état d’esprit des autres. Dans cette famille (mais je pense que c’est un problème récurrent dans la société), la communication est très compliqué : chacun garde pour lui ses problèmes, pour ne pas être jugé par les autres, par peur d’être abandonné ou pour tout un tas d’autres mauvaises raisons ; le problème c’est que si l’on ne parle pas, les autres s’imaginent des choses et je crois qu’imaginer est pire que de savoir.
On a l’impression, dans Avec elle, que les protagonistes courent après le bonheur, se sentent prisonniers de leur vie, sans pouvoir se satisfaire de ce qu’ils ont ; pris dans le quotidien, ils ne profitent pas, cherchant mieux que ce qu’ils ont et manquant les fugaces moment de joie qui pourraient remplir leur vie. On se rend également compte que la communication est essentielle lorsqu’une conversation d’adulte, associée à un comportement particulier est interprétée par un enfant et que cela devient sa réalité ; ainsi, Jessica fera tout pour que « sa » réalité n’arrive pas, quitte à devoir faire des choix.
Avec elle s’est tout un tas de non-dits, d’actes manqués, qui s’ajoutent les uns aux autres, s’enveniment jusqu’à ce qu’on ne puisse plus revenir en arrière. La rancœur, la colère, l’impression de ne pas être à la hauteur s’accumulent jusqu’à « pourrir » la vie et influer sur les décisions que l’on prend. Comme il a été frustrant de voir le film se dérouler sans pouvoir intervenir, secouer et s’exclamer « mais dis-le bon sang ! ».
Au centre de tout ça, il y a l’amour. L’amour d’une famille qui a été unie un jour et surtout l’amour de deux sœurs jumelles qui sont tout l’une pour l’autre mais qui ne savent pas se le dire. Le lien indéfectible qui les unit, soumis sans cesse à rude épreuve. La relation entre Coline et Jessica est complétement destructrice, toxique mais malgré le mal qu’elles se font, elles s’aiment. Plus que tout, c’est la comparaison faite entre les deux filles, par tous (elles comprises) qui va creuser ce fossé, faire naitre cette compétition.
… Lorsque l’une ressent le besoin d’exister et ne vit que par le regard des autres, quitte à écraser sa sœur et que l’autre ne vit presque que pour cette sœur qu’elle adule et à qui elle pardonne tout.
… Lorsque l’une enchaine les erreurs au détriment de sa sœur et que l’autre se dit que si elle ne l’aide pas personne ne le fera.
… Lorsque l’une promet sans cesse de changer et ne le fait pas et que l’autre n’arrive plus à la croire mais essaie quand même.
On sait que ça va mal finir, on le sens au plus profond de nos tripes, d’autant plus que l’auteure instille des petits passages entre certains chapitres ou des allusions nous préparant au pire ; pourtant, je vous assure que je ne m’attendais pas à cette fin. Brutale. Qui coupe tout.
J’ai eu le ventre retourné durant ma lecture, affectée, déchirée, révoltée par la famille Simoëns et son destin tragique. Quand une décision en entraine une autre et encore une autre ; un genre d’effet papillon. Et si ?
Pris dans le tourbillon des mots, le lecteur restera marqué, je le pense, par Coline et Jessica mais aussi par Patricia, cette femme que j’ai tant détestée mais qui a su me toucher dans sa rédemption. J’ai par contre été très déçue par Thierry, ce papa parfait qui semble pourtant si absent, jusqu’à devenir presque transparent dans le récit de Solène. Si je l’ai d’abord plaint et admirée, je l’ai ensuite trouvé lâche, même si je comprends qu’il a aussi énormément souffert (en partie parce qu’il n’a pas eu le courage de savoir la vérité).
Comme vous pouvez le voir, si vous êtes arrivés jusque-là, Avec elle ne laisse pas indifférent et Solène Bokowski a su décrire à merveille les sentiments de cette famille ordinaire qui pourrait être la nôtre. Les relations humaines sont complexes et l’on ne connait jamais vraiment ceux que l’on pense connaitre. L’interprétation et l’imagination sont parfois pire que la vérité et il peut en résulter plus de mal qu’autre chose.
Et si ? ne peut-on s’empêcher de demander. Pour le savoir, je lirai sans tarder Sans toi, avec une petite appréhension tout de même : celle de ne pas retrouver la famille à laquelle je me suis malgré tout attachée.
Sous couvert de bonnes intentions, certaines personnes ne savent prendre que de mauvaises décisions.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Si le temps ne se rattrape pas, les cœurs, eux, se recousent. Alors elle tâchera de recoudre celui de ses jumelles chéries. Et peut-être qu'alors, le sien parviendra à se réparer.