La fille qui tressait les nuages
Auteur : Céline Chevet
Éditeur : Editions du chat noir (06/06/2018)
Résumé :
Saitama-ken, Japon. Entre les longs doigts blancs de Haru, les pelotes du temps s'enroulent comme des chats endormis. Elle tresse les nuages en forme de drame, d'amour passionnel, de secrets.
Sous le nébuleux spectacle, Julian pleure encore la sœur de Souichiro Sakai, son meilleur ami. Son esprit et son cœur encore amoureux nient cette mort mystérieuse. Influencée par son amie Haru, Julian part en quête des souvenirs que sa mémoire a occultés. Il est alors loin de se douter du terrible passé que cache la famille Sakai…
Fable surréaliste, la Fille qui tressait les nuages narre les destins entrecroisés d'un amour perdu, une famille maudite et les tragédies d'une adolescence toujours plus brève.
Mais nous avons l'habitude de payer. Nous, les femmes, nous payons toujours pas l'égoïsme des hommes. Au foyer, au travail, au front. Les siècles n'arrangent rien.
Avis :
Je viens de terminer La fille qui tressait des nuages et j’étais loin d’imaginer tout ce que cachait cette sublime couverture.
Ce livre est très spécial, dérangeant mais j’ai beaucoup aimé ma lecture. Je me suis fait embarquée par la plume poétique de Céline Chevet, à mi-chemin entre rêve et réalité. Pour moi qui ai un esprit plutôt cartésien, c’est typiquement le genre de récit qui me perturbe, que je ne sais pas vraiment où classer : tellement réaliste et en même temps fantastique il faut le dire. Que peut accepter mon imagination dans la réalité ?
Le fille qui tressait des nuages est une fable plutôt sombre, que l’on découvre à travers l’esprit de Julian, le pas-fini parce qu’il n’est qu’à moitié japonais (de mère anglaise). Julian qui ne se remet pas de la mort de sa lune, la sœur de son meilleur ami et son âme-sœur si l’on peut dire. Âme-sœur car il l’a aimée au premier regard et de toute la force de son être, sans concession aucune ; un amour pur, beau, comme on en voit peu et dont on ne se relève pas.
Il est très dur pour moi de vous parler de ce livre sans trop en dévoiler et révéler ce qui se cache derrière cette mort. Je vous dirai que Céline Chevet m’a surprise ; pourtant, j’étais sur mes gardes, j’ai même relu certains passages pour m’assurer de l’existence des personnages car, vous le verrez, dans ce roman, nous ne savons pas vraiment où s’arrête le réel et où commence l’imagination.
Les relations qu’entretient Julian avec ses trois amis sont très particulières : Souichiro, son protecteur, celui dont il ne doute pas mais qu’il a trahi il y a longtemps ; Haru, cette fille qui lui souffle des méchancetés à longueur de journée et dont il ne sait se passer et Akiko, toute douce, toute discrète, la fille que tout le monde oublie mais qui se bat de toutes ses forces pour Julian. Tout au long du récit, on sent la détresse de Julian, on comprend qu’il refoule ses souvenirs à propos d’un évènement particulier et que les chats ont tendance à déclencher des crises de panique chez lui…
Le roman de Céline est très très bien construit : par de petites incursions dans le passé de la famille de Souichiro, nous entrevoyons l’enfance effroyable d’une certaine Yuki, et l’ombre d’un secret de famille dangereux. L’auteure nous offre également quelques passages du point de vue d’Haru, Akiko ou Souichiro mais prenez bien garde à ne pas croire ce que vous lisez car des éléments sont volontairement occultés. Et c’est là que Céline m’a à nouveau surprise, dans cette fin machiavélique, que l’on aurait pu voir venir en creusant bien. Cette fin qui explique tout et qui rend ce roman plus tragique encore.
J’ai apprécié voguer à travers ces paysages et cette culture enchanteurs, j’ai apprécié tous les petits sujets évoqués comme le harcèlement, le deuil, l’indifférence, l’amour d’une mère, la violence… tous ces petits drames qui font des personnages torturés. Personnages très complexes que l’on prend malgré tout en affection et qui nous émeuvent à mesure qu’on les découvre, eux et leur passé que l’on assemble tel un puzzle. Si j’avais un regret à exprimer, ce serait sur le sort d’Akiko ; Akiko si douce et si gentille qui accepte tout sans broncher et que l’on ne voit jamais.
Si vous décidez de vous mettre à tresser les nuages, un conseil, ne vous attendez pas à quelque chose de rose, mais préparez-vous à être surpris et bousculés par la jolie plume de Céline Chevet.