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Calamity Gwenn - François Beaune

Calamity Gwenn

François Beaune

Éditions Albin Michel


"J’ai réfléchi, je vais pas me suicider aujourd’hui. J’ai encore des tas de gens à décevoir, moi comprise."

Ce livre promettait d’être à part. Au bout de quelques lignes, j’avais déjà la conviction que cette promesse serait tenue.

La forme d’abord, puisqu’il s’agit d’un journal intime et que je ne m’y attendais pas (il est possible que je sois passée à côté de l’info, quoiqu’il en soit, c’était une surprise).

La plume ensuite, avec ce phrasé si proche de l’oral, brut et sans filtre, avec ses réflexions aussi fines que rugueuses, avec ce vocabulaire du sexe si naturel que la vulgarité s’efface, le tout surmonté d’une bonne dose d’humour.



Gwenn n’est pas madame Tout-Le-Monde, vous vous en rendrez vite compte. Passez-moi la comparaison, mais Gwenn est une licorne au milieu d’un troupeau de camarguais. Elle est unique, tant par son mode de vie que par son rapport au monde et on aime qu’elle nous balance tout à traque ce qu’elle pense et ses émotions.

Si je me suis attachée au personnage, je ne sais pas si elle pourrait être une copine, tant j’ai eu l’impression qu’elle était issue d’un univers parallèle au mien. Mais lorsqu’elle nous raconte son cœur qui tremble, on tremble avec. Et soudain, au moment le plus inopportun, elle parvient toujours à nous arracher un sourire. Ce contraste fonctionne. Le rythme syncopé aussi. On passe sans cesse d’un sujet à l’autre, d’une pensée à l’autre et d’un jour au suivant. C’est chaotique et addictif.


Mais Gwenn a beau être aussi canon que futée, avec un certain recul sur sa vie, elle n’en reste pas moins une actrice sans carrière qui bosse dans un sex-shop et qui cède trop facilement aux dérives en tous genres. On pourrait croire qu’à force de rouler sa bosse et de croiser les pires travers des Hommes, elle aurait une vision plus aiguisée du genre humain... or pas vraiment. Je vous avoue qu’arrivée à la moitié du livre, le défilé des hommes de sa vie m’a un peu lassée. Ou peut-être est-ce sa normalité face aux sentiments qu’elle éprouve pour ces hommes. Oui, sans doute est-ce cela, qui a fait retomber un peu le soufflet (avant ce passage, ce roman était un sans faute). Que cette femme si à part soit en proie aux plus élémentaires des galères sentimentales est plausible et pourtant si incongru. Presque décevant.

Puis Gwenn, la nana totalement excessive réapparaît avec sa vie à cent à l’heure, ses histoires extraordinaires et ses phrases imagées. Alors, le soufflet remonte jusqu’aux dernières lignes. Des lignes qui, je l’avoue, m’ont quelques peu laissée sur ma faim. Mais j’imagine qu’il fallait bien que l’histoire s’arrête...


C’est donc un roman qui se dévore comme s’il était léger, mais qui nous dévoile une véritable profondeur. Au-delà de l’aspect journal des mésaventures d’une femme moderne et loufoque, il y a une véritable réflexion sur le monde qui nous entoure, notamment sur la place de la femme dans notre société. Il est frais et actuel, tout en étant totalement décomplexé.

Il nous sort de notre petite vie ordinaire et confortable pour nous dévoiler une vie complètement aux antipodes.


En bref : ce livre est aussi frais, léger, drôle et profond qu’hallucinant. Ce livre est à part !


"Ça lui ressemble tellement ! Courageux quand il s’agit de crocodiles, et lâche avec les femmes. Mais je lui reproche rien, il me déçoit sans surprise. De toute façon , je me sens jamais moi avec lui. Et ça, c’est grave."

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