Ferme les yeux et fais un vœu
Auteur : Cécile Bergerac
Éditeur : HUGO ET COMPAGNIE (12/03/2020)
244 pages
Résumé :
Sarah démarre la trentaine avec déjà une belle carrière d'avocate. Associée dans un cabinet, les affaires ne manquent pas. Les dossiers rythment ses jours, et souvent ses nuits. Elle mène sa vie comme une affaire pénale : avec précision et ordre. Aucune place n'est laissée à l'aléa. Pourtant, un appel en pleine nuit va faire vaciller toutes ses certitudes. Alors que l'existence de son petit frère bascule, elle jette un regard différent sur son quotidien. Sa réussite professionnelle est-elle un accomplissement ? Ne passe-t-elle pas à côté de l'essentiel ? Elle se battra avec la détermination dont elle sait faire preuve au tribunal pour instiller sa force à ce petit frère chéri. Mais cela sera-t-il suffisant ? Peut-on trouver la résilience au milieu du chaos ?
L'insouciance c'est beau dans les livres, mais dans la vraie vie il y a toujours un bâtard pour te remettre les pieds sur terre et bien t'enfoncer dans le crâne que tu ne vaux pas plus qu'un moustique fracassé contre un pare-brise.
Avis :
C'est le deuxième challenge littéraire pour lequel je fais équipe avec Cécile Bergerac, et pour cette première épreuve du #BookLanta, nous avons décidé de faire une lecture commune de son roman, l'occasion pour moi de découvrir la plume de ma coéquipière.
Si dans mon esprit Hugo était associé à de la romance, je me suis vite rendue compte qu'il ne s’agissait pas, ici, d'une romance conventionnelle. L'amour y est omniprésent, certes, mais il s'agit essentiellement d'un amour fraternel. Le lien qui unit Sarah à son frère est tout bonnement indescriptible et le désarroi qui ressort de sa situation est extrêmement bien transcrit.
Confrontés, dès leur plus jeune âge, à la perte successive de leurs parents, Sarah et Paul représentent tout l'un pour l'autre. Sarah c'est à la fois la sœur, la mère, la confidente, le roc de Paul. Sarah c'est la personnification des responsabilités; une jeune-fille projetée trop tôt dans un monde d'adulte, subissant la maladie de sa mère, n'ayant jamais pris le temps de rêver, parce que le rêve à quoi bon ? La réalité est tellement différente, il se passe tant de choses horribles dans le monde. Pourtant, Sarah va voir ses certitudes bousculées, son train-train bouleversé, tout ce qu'elle pensait savoir de la vie ébranlé.
La plume de Cécile est toute en délicatesse, elle esquisse les traits de personnages bienveillants, foncièrement bons confrontés aux vicissitudes de la vie; que ce soit à travers une rupture amoureuse, où l'accompagnement de personnes en fin de vie. Elle nous brosse une réflexion sur la vie qui m'a particulièrement parlé, des remarques ou des constats sur la routine quotidienne à laquelle nous sommes tous soumis, les œillères que l'on porte parfois, trop engoncés dans nos petites habitudes; ce chemin sur lequel on s'est engagé et que l'on fixe si fort qu'on se détourne parfois de ce qui est essentiel.
Ferme les yeux et fais un vœu fait la part belle à la magie : ces instants de rêve, qui mettent des étoiles dans les yeux, cette capacité à croire au beau, à profiter des petits plaisirs que nous offre la vie tant qu'on en a l'occasion.
Sarah est une jeune-femme qui ne vit que pour son travail (et son frère), sa vie est archi-carrée, elle a besoin de maîtriser chaque aspect de son quotidien. Elle ne craque pas, elle fait front, mesure les paramètres imprévus, les assimile et reprend son combat. C'est, en réalité, une femme très impressionnante. J'ai beaucoup aimé la voir s'ouvrir petit à petit, changer sa façon de vivre, pourtant bien ancrée, presque sans s'en apercevoir, et s'épanouir de plus en plus.
Jim, est tout dévoué à ses patients, il a choisi le contact, l'échange, le soin, plutôt que les diagnostics derrière lesquels il n'y a pas forcément de suivi. Jim est infirmier et parle à ses patients dans le coma, leur invente une vie. C'est un homme doux, patient, altruiste. Pourtant, il est profondément blessé et peine à guérir. Ce que j'ai aimé en Jim, c'est sa façon de voir les choses, toujours de manière objective (ou presque), sans jamais s'appesantir sur ses sentiments à lui, toujours en se remettant en question. Mais c'est aussi sa famille, envahissante certes, mais unie, soudée, rassurante.
Le récit est construit à la troisième personne du singulier, alternant la vision de Jim et de Sarah; de ce fait, il met une certaine distance entre les personnages et le lecteur. Je pense que c'est une des choses qui m'a permis de me préserver de cette lecture, car certains sujets abordés sont très durs. Et cela n'empêche pas d'en faire un roman poignant et réaliste, qui ne tombe pas dans l’apitoiement pas mais fait ressortir toute la détresse des personnages.
Dans Ferme tes yeux et fais un vœu, on trouve enfin des tirades magiques. Des discours prononcés avec fougue, avec les tripes, des déclarations d'amour comme on voudrait en voir plus souvent.
Un très beau roman, que j'ai eu la chance de pouvoir partager avec cinq de mes coéquipières.
Ce qu'elle a vécu ne doit pas conditionner ce qu'elle vivra. Ce ne sont pas ses difficultés passées qui feront d'elle ce qu'elle sera demain. Mais c'est chaque pierre que vous poserez à deux sur la base de l'édifice, votre édifice. Sois le maçon de votre construction, sois l'architecte, le peintre, montre-lui les perspectives et les différentes focalisations, fais-lui découvrir la partie pleine du verre.
Nous ne faisons tout ça que pour mettre des étoiles dans vos yeux. Et oui, le jeu en vaut la chandelle. Oui, il justifie les supercheries. Parce que parfois, Jim, pour donner le sourire, il faut prendre des la distance avec la réalité.
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