J'irai cracher sur vos tombes (BD)
- Vernon Sullivan/Boris Vian
Auteur : Vernon Sullivan/Boris Vian
Glénat
Parution : 11 Mars 2020
Note : 4.5/5
104 planches
Résumé éditeur :
« J'avais toutes les filles les unes après les autres, mais c'était trop simple, un peu écœurant. »
Lee Anderson, vingt-six ans, fils d’une métisse, quitte sa ville natale après la mort de son frère noir, lynché parce qu’il était amoureux d’une blanche. Il échoue à Buckton, petite ville du Sud des États-Unis où il devient gérant de librairie. Grand, bien bâti, payant volontiers à boire et musicien de blues émérite, Lee parvient sans mal à séduire la plupart des adolescentes du coin. Auprès d’une petite bande locale en manque d’alcool mais très portée sur le sexe, il mène une vie de débauche. Sans toutefois perdre de vue son véritable objectif : venger la mort de son frère.
Bien éloigné des romans habituels de Boris Vian, ce récit est probablement le plus violent, le plus cru et en même temps le plus représentatif du style « Vernon Sullivan ». À travers une histoire âpre où la sexualité, violente, est omniprésente, Vian dénonce le racisme ambiant et la condition précaire des Noirs dans le Sud des États-Unis.
Avis lecture :
Attention, BD pour un public averti.
Publié sous un pseudo dans un 1er temps, ce roman avait fait couler beaucoup d'encre (et avait été interdit, car trop sulfureux), et encore plus lors de la révélation de son auteur. Je dois cependant admettre que je n'ai jamais lu l'oeuvre original, c'est donc pour moi une découverte.
On trouve un côté très violent, tenté de provocation, à ce polar en pays américain d'après-guerre.
Un jeune homme, métis mais à la peau blanche et plutôt beau, va venger le lynchage de son frère, noir, qui était amoureux d'une blanche.
Il devient libraire et se fond dans les jeunes de la ville, pour séduire des femmes et mener à bien son projet.
On y découvre le quotidien d'une société plutôt bourgeoise, entre alcool et orgies.
C'est très noir et très sexuel, voir brutal sur certaines planches.
Côté esthétisme, je le trouve très réussi : les dessins sont biens faits, et permettent de se fondre dans cette période. Trois dessinateurs différents ont participé, mais ça ne se voit pas du tout.
C'est par moment assez coloré sur certaines planches, assez sombre sur d'autres, l'ambiance des planches prend corps avec le texte et l'ensemble est totalement complémentaire. Les dessins sont réalistes et équivoques. L'atmosphère pesante est à couper le souffle.
Le travail sur les regards notamment est à souligner.
Sujet de fond (hélas) toujours d'actualité : on parle du racisme, de la ségrégation aux USA, de vengeance avec une violence extrême, de sexe. Je crois que cette BD sonne encore plus fort en ce moment (juin 2020).
On voit aussi un passage à l'acte, et les méandres psychologiques d'un meurtrier, qui attend patiemment le bon moment, avec sadisme.
Je connais bien sur Boris Vian de nom, mais cette BD m'a donné envie découvrir le roman original. Et en cela, on peut dire que c'est une réussite! 100 ans après la naissance de l'auteur, je trouve très intéressant d'avoir de nouvelles sorties de ces œuvres, merci Glénat pour ce beau projet plus moderne que les romans et ce bel hommage.
Petit plus, les dernières pages de la BD, l'Histoire dans l'histoire, qui reprennent quelques affiches et documents d'époques, et permettent de prendre conscience du scandale lié à la sortie de ce livre (procès pour « atteinte aux bonnes mœurs »).
J'aime beaucoup cette mise en perspective.
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