Le livre de M
Peng Shepherd
Editions Albin Michel
585 pages
Cette histoire post apocalyptique ne s’offre pas facilement. La plume est assez complexe et plutôt énigmatique, malgré une rondeur assez féminine. Il s’en dégage aussi de la tendresse. Une tendresse radicalement opposée à la rudesse du nouveau monde décrit. L’auteur a choisi de mettre en avant l’amour qui soudent les familles entre elles.
On a parfois le sentiment que les pensées se télescopent puis éclatent dans toutes les directions. Un peu comme un esprit onirique qui dériverait d’une idée à l’autre.
L’auteur fait preuve d’une véritable intelligence émotionnelle. Je dois dire que c’est stupéfiant tant ça semble inattendu. Alors malgré la difficulté du texte, on a envie d’aller au bout, de mettre à jour ce qui nous échappe.
Dans un premier temps, l’avant et l’après divisent ce récit. D’un côté, il y a la menace des ombres qui disparaissent, emportant avec elle la mémoire de leur hôte et faisant se déliter ce qu’il reste de leur vie. Cette menace indistincte et lointaine qui deviendra palpable en même temps qu’elle se rapproche.
De l’autre le terrible après qui a plongé la civilisation dans une ère vide et dangereuse, dans laquelle les hommes n’en sont plus vraiment.
Les ombres des gens disparaissent en même temps que leur mémoire dans une douce âpreté fantasmagorique. Gros travail autour de la mémoire intime, familiale, filiale et collective. Une réflexion poussée autour des multiples conséquences de l’oubli. C’est intéressant, riche, mais il faut s’accrocher au texte. Rester concentré. La deuxième partie change la donne. Elle est plus accessible et plus fluide. Elle m’a fait ressentir tout l’enfer de l’oubli, au creux de moi. Ce tiraillement permanent de soi.
J’y ai vu aussi, à tord ou à raison, des similitudes quant à la gestion de crise du Covid. Ce qui a rendu le postulat du départ plus réaliste encore.
Toutes ces décisions que l’on prend en pensant bien faire et qui sont finalement désastreuses.
Quoi qu’il en soit, cette lecture m’a résisté. Je ne m’y suis pas sentie à l’aise et même si le sens sous-jacent se perçoit aisément, de même que tout l’aspect métaphysique et métaphorique, j’ai eu la sensation de m’y perdre avant de m’y retrouver. Cette lecture est complexe par bien des aspects. Transcendante. Impressionnante. Imprévisible.
J’ai eu l’étrange sensation de la traverser sans m’y arrêter tout à fait, pourtant, presque une semaine après l’avoir refermée, elle ne m’a pas complètement quittée...
En bref : un roman post apocalyptique onirique, puissant et complexe.
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