Tombée du ciel
Auteur : Alice Develey
Editeur : L' Iconoclaste (22/08/2024)
350 pages
Résumé :
Alice a quatorze ans quand elle est internée dans un hôpital. Elle découvre un autre langage, un autre monde fait de blouses blanches et d'insomnies. Comment tombe-t-on malade à cet âge ? Qu'est-ce qui peut conduire un enfant à cesser de s'alimenter ? Entre ces murs où elle subit des traitements révoltants, Alice rencontre d'autres filles comme elle, tombées du ciel. Elle décide de raconter ces vies minuscules dans un cahier. Écrire devient un moyen de ne pas oublier, et surtout de résister.
Avis :
Dernière lecture dans le cadre du Comité de lecture Cultura pour cette année. Pour tout vous dire, c'est la libraire qui me l'a conseillé - il s'agissait de sa prochaine lecture - et la première phrase du résumé a suffi à me convaincre.
Dans Tombée du ciel, on découvre la descente aux enfers d'Alice, alors âgée de 14 ans, hospitalisée pour anorexie. On découvre les méthodes, inhumaines parfois, employées pour lui faire prendre du poids. Le manque de chaleur humaine. Le soin du corps, que l'on cherche à engraisser à tout prix, au détriment de l'esprit, qui lutte. Le sentiment d'abandon. Mais aussi les liens, éphémères, qui se nouent avec les autres patients, le temps d'une hospitalisation. On découvre la douleur, volontaire, provoquée parce qu'elle donne l'impression d'être vivant, qu'elle fait ressentir. Le combat d'Alice, seule, contre tous.
Le récit est du point de vue exclusif de l'adolescente. Au fil des pages, elle nous dévoile certains épisodes de sa vie, analyse sa relation avec sa mère, son père, son frère et cherche le point de bascule, ce moment où Sissi est entrée dans sa vie, lui dictant la conduite à tenir. Enfant de la dernière chance qui n'a pas su consolider le mariage de ses parents, Alice se sent comme de trop, mal aimée.
La plume de l'autrice est fluide, les réflexions de l'adolescente et sa façon de s'exprimer sont très matures. Si j'ai apprécié ma lecture, je reste, en même temps, un peu sur ma faim. En effet, j'ai été spectatrice de la vie d'Alice sans forcément en ressentir l'intensité; j'ai assisté à son combat silencieux, à son refus (son impossibilité) de s'exprimer sans que personne ne cherche à la comprendre, à la résignation de sa mère qui s'appuie sur ce que lui dise les médecins. A travers son récit, j'ai surtout entendu un cri de détresse, j'ai perçu l'incompréhension face à des comportements que l'on pourrait qualifier d'abusifs. Ce n'est pas une histoire classique que l'on nous livre ici, avec un début, des péripéties et une fin. Ce sont des petits morceaux de vie qui, petit à petit sont engloutis par des médicaments. Ce sont des petits morceaux de vie, au sein d'une famille décomposée, avec des parents qui n'ont pas toujours les bons mots/comportements et qui ont fait d'Alice ce qu'elle est.
J'ai surtout été choquée par l'absence de suivi psychologique et par les violences que l'on fait subir à une jeune fille de 15 ans (elle est notamment "gavée" à l'aide d'une sonde). Par cet amoncellement de médicaments dont on la bourre sans lui expliquer leur utilité, malgré ses demandes. Par les conditions de "détention" (le mot est peut-être fort mais elle est maintenue isolée et sanglée sur son lit). En écrivant cet avis, en me remémorant les mots d'Alice, je repense à ce film que j'avais vu enfant et qui m'avait énormément marquée : Une vie volée (ou Girl Interrupted); le terme de volé est très approprié ici car du jour au lendemain, Alice se retrouve coupée de tous ceux qui faisaient partie de sa vie jusqu'à présent, déscolarisée et sans vision de sortie pour une hospitalisation sensée être de courte durée.
La Alice, la narratrice est un petit bout d'Alice, l'autrice qui, à travers elle, dénonce des conditions qu'elle a elle-même subies, auxquelles tant d'autres ont été soumis. Oui, ce roman est essentiel, comme témoignage, pour que ce genre d'abus ne puisse plus se produire. Oui, ce roman est difficile à lire, l'esprit d'Alice est dur à déchiffrer, à comprendre, sa souffrance semble sans issue ou plutôt semble avoir une seule issue; c'est peut-être ce qui m'a dérangée : cet absence d'espoir et aussi cette conclusion.
Tombée du ciel est un roman marquant, dérangeant, effrayant.
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