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Du même sang - Denene Millner

Du même sang

Auteur : Denene Millner

Editeur : LE CHERCHE MIDI (24/08/2023)

624 pages

Résumé :

Trois destins de femmes intimement liés, trois portraits poignants au cœur d’une Amérique raciste ; un seul sang. Au milieu des années 1960, Grace, jeune fille noire exilée du Sud ségrégationniste vers un New York en pleine lutte pour les droits civiques, tombe enceinte en même temps qu’elle découvre l’amour. On ne lui permet pas de garder l’enfant. C’est Delores, une femme traumatisée dans sa chair et dans son âme, qui va adopter et élever sa fille, Rae, en tentant de la préserver du poids de ses souvenirs. Mais à l’heure de devenir mère à son tour, Rae devra affronter cet héritage et faire la paix avec sa famille adoptive aussi bien qu’avec l’inconnue qui l’a mise au monde. À travers cette saga vibrante qui, dans une même aspiration à la liberté, fédère trois femmes aux prises avec leur histoire personnelle et la société américaine, Denene Millner explore avec une infinie justesse et un remarquable sens du détail les mille détours de l’amour parental et filial, de la transmission, de la quête des origines et des absences qui nous hantent. Du Sud ségrégué des années 1960, implacable et cruel, au New York du XXIe siècle aux rapports plus insidieux, femmes et hommes, forts ou vaincus, violents, lâches, tendres, perdus ou retrouvés, s’animent pour composer un roman intime conté avec un souffle épique.


C'était comme ça, avec les blancs; ils comptaient sur les parties du corps des Noirs - des mains pour la lessive, des dos pour labourer la terre, des seins pour nourrir leurs bébés -, mais ils ne supportaient pas que les corps entiers aient des âmes qui les habitaient. Ces âmes qui, tous les matins, devaient rassembler leurs forces fragiles pour convaincre le corps de se soumettre au labeur, encore et toujours, sans avantages ni pauses ni droit de se plaindre.

Avis :

Ce n'est pas la couverture qui m'a attirée, puisque l'exemplaire que j'ai lu avec le Comité de lecture Cultura n'en possédait pas. C'est le titre qui m'a interpellée. Puis j'ai lu le résumé, et la première phrase "Trois destins de femmes intimement liés, trois portraits poignants au cœur d’une Amérique raciste ; un seul sang." a suffit à me convaincre.

Un lecture que je ne regrette pas une seule seconde, j'ai été totalement emportée par les histoires de Grâce, Delores et Rae. J'ai été totalement révoltée par les situations auxquelles elles sont confrontées, situations réellement vécues par des milliers d'autres femmes noires avant elles. J'ai adoré voir l'évolution des mœurs sur les 40 années que couvre le récit. La peur et les réactions enracinées dans ce qu'ont vécu les femmes de leur famille. J'ai encore plus apprécié ma lecture après avoir lu les mots de l'auteure, qui nous offre, quelque part, ici, une vie fantasmée de ces ancêtres, à la recherche de racines, de personnes de son sang, elle qui, au même titre que Rae, a été adoptée.

Le récit se découpe en trois livres, un dédié à chacune des trois femmes que nous allons découvrir : la mère biologique, la mère adoptive et l'enfant qui devient mère à son tour. Il se déroule entre 1967, où nous découvrons Grace, une jeune campagnarde noire, que sa grand-mère initie au métier de sage-femme et 2009, où nous quittons une Rae accomplie. Sur chaque période, nous découvrons les difficultés que rencontrent ces femmes assumant la double peine de leur sexe et de leur couleur (voire de leur religion en ce qui concerne Grace). C'est une histoire à la fois actuelle - même si l'effet est moins marqué aujourd'hui, on retrouve la notion de charge mentale et de travaux domestiques, d'autant plus que Rae exerce un emploi à plein temps - et qui semble se dérouler dans un autre temps - en effet, on ne se rend pas forcément compte que la ségrégation était encore présente dans les milieux ruraux d'Amérique du Nord il y a 60 ans. On découvre un contexte choquant, avec des blancs qui ont droit de vie ou de mort sur les noirs, des noirs exploités et traités comme des moins que rien. On découvre une religion proche de la nature, à travers le Hoodoo, qui apparait beaucoup plus respectueuse que le christianisme imposé par les blancs. On découvre également la situation des noirs dans "la grande ville", une situation qui semble dorée aux yeux de la petite fille qu'est Grace, mais qui n'est pas non plus si brillante. La ségrégation est toujours présente et des noirs perdent la vie simplement parce qu'ils sont noirs. Etat de fait que l'on entend malheureusement encore aujourd'hui aux actualités.

J'ai suivi avec passion le combat de ces femmes pour trouver leur place, pour se garantir une sécurité, pour protéger ceux qu'elles aiment. J'ai aimé leur force, leur résilience et leur combativité. Si à chaque changement de protagoniste j'ai eu du mal à laisser la précédente derrière moi, je me suis rapidement prise d'affection pour la nouvelle. A travers Grace, j'ai pu voir le besoin d'être aimée, l'importance des racines. A travers Delores, les impacts d'un traumatisme passé sur la manière d'envisager la vie, sur la manière d'élever et d'aimer ses enfants; toutes les peurs qu'elle reporte sur sa fille, agissant de façon assez froide avec elle, lui interdisant certaines choses pour ne pas reproduire le passé. A travers Rae, enfin, on retrouve le besoin de connaitre ses racines, mais aussi la difficulté de faire les bons choix, ce qui amène parfois à des situations compliquées.

Si je devais exprimer un seul regret, ce serait celui de l'histoire de Grâce, laissée en suspense, que jusqu'au bout, j'ai espérer retrouver. Malgré cela, je ne peux que recommander chaudement cette épopée féministe aux personnages qui touchent en plein cœur et dont la conclusion est pleine d'espoir.

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