Femmes portant un fusil
Auteur : Sophie Pointurier
Éditeur : Harper Collins (23/08/2023)
262 pages
Résumé :
Au début, elles étaient quatre. Il y avait cette annonce d'un hameau à vendre dans le Tarn, loin de tout. Alors un projet est né, le rêve d'un lieu construit par et pour les femmes. Elles l'ont fait. Claude, Harriet, Élie, Anna. Jeunes, vieilles, toutes forgées par les tentatives d'autres avant elles, guerrières jusque-là tenues au silence.
Mais voilà : aujourd'hui, Claude doit répondre du meurtre d'un homme. Des gendarmes lui font face, attendant que cette mère de famille au prénom épicène reprenne tout depuis le début. De l'utopie à la riposte. Ce jour où Claude et ses sœurs ont pris les armes.
Lorsqu'un homme a agressé une femme, on l'accuse rarement de complot sexiste. On dit que, à bien y regarder, il était alcoolisé, jaloux et, si par malheur elle est morte, alors c'est un drame conjugal. Mais quand une femme a tué un homme, elle a enfreint dans le même temps la loi du genre et, à ce moment-là, ça devient un crime de masse.
Avis :
A nouveau une lecture faite dans le cadre du Comité de Lecture Cultura pour la rentrée littéraire 2023. Si j'ai choisi ce roman là en particulier, c'est parce qu'une autre lectrice nous l'avait chaudement décommandé. Et je ne peux qu'être d'accord avec sa prescription.
Il s'agit de mon premier livre de Sophie Pointurier et j'ai énormément apprécié son écriture, ses personnages à la fois forts et perdus et ce qu'elle nous raconte. Sa manière de présenter une situation de l'intérieur, avec ses intentions, et la façon dont elle est perçue et interprétée. Les réactions de masse qui résultent d'une rumeur ou d'un commentaire. La peur et le rejet engendré par ce que l'on ne comprend pas. La violence qui en résulte parfois, verbale et physique. Les menaces. L'inaction de la société. Les dépôts de plainte inutiles. La différence.
Dès les premières pages, Claude se fait appréhender par la police pour ce que l'on devine être une agression. Si tout est flou dans sa tête, les giclées de sang suggèrent une scène violente. Claude est interrogée, de manière assez dure, comme si son crime avait une dimension qui nous échappait. Comme si elle était considérée comme une femme extrêmement dangereuse. Claude est blessée aussi, elle flotte dans ses souvenirs, à la rechercher du moment où tout à commencé, du moment qui les a conduites, elle et ses amies, à l'instant présent.
Nous revivons donc les instants clés de la vie de Claude, à partir du moment où elle est tombée sur cette annonce pour la vente d'un hameau dans le Tarn. En parallèle, nous assistons à son interrogatoire et à ses tentatives pour reconstituer les derniers éléments et protéger son fils.
Sophie Pointurier nous livre un texte fort. Un livre qui dénonce le patriarcat et les violences faites aux femmes. Encore un. Pourtant, Femmes portant un fusil est à part. Des béguines aux femmes révolutionnaires, en passant par des communautés autonomes, l'auteure nous montre la force de ses femmes qui se sont battues et se battent encore pour leur liberté, pour leur libre arbitraire, pour ce monde utopique dont elles rêvent. Elle nous dresse le portrait de femmes, jeunes et vieilles, aux convictions qui dérangent alors qu'elles ne désirent que de vivre en paix, sans être jugées ni dérangées. De femmes qui ont eu le courage de franchir le pas et de réaliser leur rêve. Elle écrit reconstruction, amitié, volonté. Elle fait de ses femmes, des modèles de courage, les pièces complémentaires du monde qu'elles sont en train de bâtir.
Pourtant, partout, il y a de la violence. Et contre la violence, on se retrouve souvent seule lorsque ni la justice ni les proches ne peuvent nous protéger. Lorsque tout le monde détourne les yeux. Lorsque les lois protègent les bourreaux et condamnent les victimes qui se sont défendues.
Ce roman est un coup de poing, mais aussi un coup de cœur. Une ode. À la vie, à l'amitié, à la différence et aux béguines.
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