Le courant d'air - Catherine Ryan Howard
- Clem
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Le courant d'air
Auteur : Catherine Ryan Howard
Editeur : L'Archipel (15/05/2025)
390 pages

Résumé :
Longtemps, Eve Black a été « La fille qui… ». La fille de 12 ans qui a réchappé au massacre des siens quand, dans la nuit du 4 octobre 2001, un serial killer s’est introduit dans le pavillon familial, tuant son père, sa mère et sa sœur cadette âgée de 7 ans. Les dernières victimes d’un tueur insaisissable surnommé Le Courant d’air.
Aujourd’hui, près de vingt ans après les faits, Eve Black est la femme qui vient de publier un true crime. Dans ce récit intitulé Le Courant d’air, elle relate la dizaine de crimes commis dans la région de Cork par ce tueur qui n’a jamais été inquiété.
Jim Doyle est agent de sécurité dans un supermarché lorsqu'au cours d’une ronde son regard est attiré par un livre. D'abord intrigué, Jim voit sa colère grandir à mesure qu'il commence sa lecture du Courant d’air. Puis la peur s’empare de lui. Eve serait-elle sur le point de le démasquer ?
Avis :
J'avoue que je ne sais pas par quel bout commencer cet avis. Peut-être parce que je ne me rappelle pas pourquoi j'ai choisi ce livre là. Probablement l'histoire de tueur en série car, comme rappelé plus d'une fois entre les pages de ce romans, ils nous fascinent. Et, comme le souligne également l'autrice, si le nom (ou le surnom) de ces hommes (ils sont quand même majoritaires) effrayants reste, ceux de leurs victimes est malheureusement très vite oublié. Pourtant, une chose est certaine : je n'oublierai pas celui d'Eve Black.
J'ai absolument tout aimé dans ce roman : de la couverture, à la fois épurée et drôlement classe, à la mise en page en passant par la plume de l'autrice (ou du traducteur) qui est vraiment agréable. La construction du récit est très originale puisque nous lisons un livre dans un livre. Eve Black, la survivante du tueur en série baptisé "le courant d'air", qui a sévi il y a presque 20 ans, vient de publier un livre retraçant ses crimes dans lequel elle transcrit sa propre expérience. Son but : essayer de faire avancer l'enquête et d'enfin identifier celui qui lui a pris toute sa famille.
Le récit débute dans un centre commercial, alors que nous suivons Jim, agent de sécurité, interpelé par le titre d'un roman : Le courant d'air. Lorsque Jim en commencera la lecture, nous verrons, au même titre que lui, la page de présentation avec le nom de l'éditeur, les informations légales (date de publication, copyright…), la liste des victimes, les notes et l'enchainement des chapitres. A chaque fois que Jim marquera une pause dans sa lecture, nous basculerons dans son quotidien, aurons accès à ses pensées et visualiserons les commentaires qu'il annote dans le livre. Ce changement de livre dans le livre est matérialisé par une police d'écriture différente. L'effet produit est vraiment chouette et on sent, au fil de la lecture du livre fictif, la pression monter, Jim perdre son sang froid suite à certaines révélations ou encore revivre des scènes de son passé.
Dans son true crime, Eve explique ce qu'elle a vécu après le meurtre de sa famille, les trous, l'obligation de mentir en devenant une autre pour se protéger, le désir de rester dans l'ignorance, les difficultés à se lier, la culpabilité… elle revient sur des éléments de son passé, des habitudes de cet Avant, ses regrets en tant que grande sœur. Elle se confie totalement au lecteur, ouvrant son cœur, exposant ses failles et cette volonté farouche de retrouver celui qui l'a privée de son avenir. Eve est touchante et déroule le fil de son récit avec beaucoup de talent. Elle crée un lien avec le lecteur, elle s'adresse au tueur.
L'autrice (ou devrais-je dire les autrices car c'est à travers la plume de l'autrice de fiction que les mots sont posés) insiste sur les caractéristiques du tueur en série, ce monsieur tout le monde, affligeant de banalité, qui cache un monstre. Ce père de famille, bien sous tout rapport mais sans envergure. Le courant d'air, surnommé ainsi car il n'a jamais pu être identifié, est finalement un surnom bien trouvé pour quelqu'un qui n'est rien. Les ficelles sont grosses, ou peut-être pas, mais le tueur, à la lecture de ces vérités, trouvera son ego fortement mis à mal.
A travers son roman, Eve Black fait un éloge des victimes; elle (re)met leur nom en lumière, brosse un tableau de leur vie, afin d'en faire des personnes à part entière, afin qu'elles ne soient pas oubliées. Elles qui avaient toute une vie devant elles. Elles qui n'ont rien fait pour provoquer leur malheur si ce n'est croiser la route d'un malade. Plus généralement, c'est aussi le message de Catherine Ryan Howard; cependant, cette dernière s'attarde aussi sur un autre genre de victime : la famille du tueur et les conséquences de cette révélation sur leur vie. Le dernier chapitre est d'ailleurs écrit du point de vue de la fille de l'assassin.
Le courant d'air est une belle réussite de mon point de vue, autant pour sa construction que pour la justesse des personnages ou encore la qualité du récit. La postface (du livre d'Eve) achève de parfaire l'œuvre.
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