Le cri du silence
Auteur : Angel Arekin
Éditeur : Black Ink Editions (21/06/2019)
413 pages
Résumé :
Un tueur rôde dans les Lofoten, ces îles magnifiques de Norvège, là où la nuit ne tombe jamais en hiver et où le soleil de minuit éclaire les journées d'été. C'est ici que Maja a grandi, sur ces terres morcelées qui abritent tant de secrets. Cest ici que Caern et sa sœur sont arrivés voilà quelques années, après la faillite de leur famille. Adolescent silencieux et marginal, à la beauté sauvage et charismatique, Caern est pourtant méprisé de tous. Seule Maja le voit différemment et se lie avec lui malgré les mises en garde de ses proches. Mais alors que la relation entre les deux adolescents se développe, le Tueur des Lofoten frappe à nouveau, détruisant la tranquillité de l'archipel. Dix ans s'écoulent avant que le destin ne les remette sur le même chemin. Le passé a laissé des traces indélébiles mais l'attirance entre eux est toujours présente. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas seuls…
L'illusion possédait sûrement des limites. Les désillusions, visiblement aucune...
Avis :
Ce matin je prends le clavier pour vous parler d’un coup de cœur. Odin m'est témoin que l’exercice est difficile car j’ai toujours beaucoup de mal à rendre justice par mes mots à un roman qui m’a foudroyée ET il va falloir éviter de divulgacher (oui, je ne spoile pas en français) tout élément susceptible de perturber la future lecture de l’un d’entre vous.
Odin… comme vous pouvez le voir, je me mets dans l’ambiance. Le cri du silence se déroule en Norvège, et plus particulièrement dans l’archipel des Lofoten. Très peu d’habitants. Tout le monde se connait. Les rumeurs vont bon train. Le paysage est à couper le souffle. J’avoue que j’avais déjà très envie de découvrir la Norvège, mais Angel Arekin et ses coups de pinceaux (ou de crayon) plus vrais que nature m’en ont plus que convaincue.
L’intrigue se déroule en deux étapes : avant ; alors que le monde de la jeune Maja, âgée de 15 ans, entre en collision avec celui Caern, de deux ans son aîné, et après ; 10 années plus tard. Maja est une jeune fille pleine d’entrain, solaire, joyeuse et profondément gentille. Elle a perdu sa mère très jeune et est extrêmement proche de son frère, qui a toujours pris soin d’elle, et des amis de ce dernier. Caern est issu d’une riche famille ruinée, sa sœur jumelle et lui entretienne une relation très ambiguë. Surnommés les Silent Twins par les autres jeunes de l'archipel, ils fascinent autant qu’ils effraient et les rumeurs les plus folles naissent à leur sujet. Caern est d’office catalogué nuisible par la population ; le dégénéré, celui qu’on ne comprend pas et qu’on juge sans faire d’effort, parce que c’est plus facile. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Sur ce petit archipel paisible, sévit un tueur. Un tueur sadique, violent, invisible. Un tueur qui n’en s’en tiendra pas à une seule victime. Un tueur en série.
Angel Arekin donne tour à tour la parole à Maja et Caern, les chapitres sont assez courts, mais vraiment puissants. Et là, au milieu de tout ça, nous pénétrons les pensées du tueur. Aucun indice ne filtre, mais ces pensées semblent assez similaires à celle d’un autre personnage. Préjugés ou réalité ?
Je vous arrête tout de suite, si vous recherchez une enquête policière sur un tueur un série, ce n’est pas ce que vous trouverez ici et vous risquez (ou pas) d’être déçu. Il y a bien une enquête oui, mais certains policiers sont un peu parti pris il faut l’avouer, et surtout, ce n’est pas le sujet central du roman. L’enquête est en périphérie et, comme l’auteure nous le confie dans les remerciements, elle a pris quelques libertés avec une procédure « normale ». Ici, ce que vous trouverez, ce sont des sentiments qui vous explosent à la figure (sains ou néfastes, ils sont extrêmement bien décrits, ils vous atteignent en plein cœur), ce sont des personnages tellement disséqués psychologiquement qu’ils semblent prendre vie, ce sont des paysages à couper le souffle, superbement bien décrits, et une ambiance à la fois angoissante et merveilleuse.
J’ai dévoré Le cri du silence et j’ai eu du mal à quitter Maja et Caern à l’issue de cette chasse à l’homme. J’ai tout adoré : les personnages, leurs failles, les questions qui naissent inlassablement à chaque fois que l’on découvre une parcelle de vérité, le suspense entretenu avec soin par l’auteure. La façon dont, pour faire monter la tension, elle ne nomme pas tel ou tel personnage durant tout un chapitre, les désignant par « elle » ou « il », afin que nous n’ayons pas immédiatement la confirmation de leur identité. Je me suis rongée les ongles d’appréhension à certains moments et surtout, je n’ai pas du tout vu venir la chute.
Le cri du silence est à la fois malsain et tellement beau, à l’image de Caern, jeune-homme perturbé par ses déviances, enfant abusé par ceux qui auraient dû l’aimer, âme divisée entre son amour de Maja et sa haine de lui-même. Ce personnage est sublime. Le lien qui l’unit à Maja l’est tout autant. Leur amour est transcendant et leur dévotion tellement touchante. On ne peut être que révolté, indigné, dégoûté par les réactions des « autres », leur propension à juger un livre sur sa couverture et la haine qui en résulte. Maja semble parfois aveuglée par son amour (et c’est d’ailleurs ce que lui reprochent ses amis), tant elle accepte tout de Caern ; mais il est son tout et il faut le lire pour le comprendre. Car c’est aussi la force d’Angel Arekin, elle arrive à nous convaincre, par ses mots et , des choix de ses personnages.
La vie a su me montrer très tôt à quel point elle pouvait être fantastique et l'instant d'après, monstrueuse. Ce n'est jamais linéaire et on ne sait jamais à quoi s'attendre. Au final, malgré les périls que cela comporte, ça vaut le coup de s'impliquer à fond, pour ne rien regretter à la fin.
Quand il y a trop de coïncidences, ça n'en est plus.
On ne connaît jamais personne par cœur. C'est une illusion.
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