Le royaume assassiné
Auteur : Alexandra Christo
Éditeur : DE SAXUS (26/11/2020)
500 pages
Résumé : Lira est la sirène la plus dangereuse de l'océan. Elle a déjà pris le cœur de dix-sept princes qui sont tombés sous son charme. Mais un jour, tout bascule lorsqu'elle tue l'une de ses semblables. Pour la punir, sa mère la Reine des Mers transforme Lira en ce qu'elle déteste le plus : une humaine. Elle lui donne alors jusqu'au solstice d'hiver pour lui apporter le cœur du Prince Elian, ou bien elle restera sous cette forme pour l'éternité. De son côté, le Prince considère l'océan comme sa vraie demeure, même s'il est l'héritier du plus grand des royaumes. Chasser les sirènes est sa raison d'être. Mais lorsqu'il sauve une jeune femme qui se noie, il est loin de se douter de sa vraie nature… Pour le remercier, elle lui promet de l'aider à trouver le moyen de détruire toutes les sirènes, mais peut-il vraiment lui faire confiance ?
Avis :
Grande sceptique en ce qui concerne les réécritures de contes, je reviens progressivement sur mes a priori après mon coup de cœur pour Rose Eternelle d'Ophélie Duchemin (La Belle et la Bête). Les avis sur Le royaume assassiné étant tout unanimes et promettant une histoire assez sombre, à l'encontre de tout ce qu'on aurait pu attendre, je me suis laissée tenter.
J'ai beaucoup aimé découvrir cette vision noire de La Petite Sirène, mais ce que j'ai aimé par dessus tout, ce sont les personnages de Lira et Elian, et leurs réparties pleines de sarcasme. L'univers imaginé par Alexandra Christo est très vaste; d'un côté territoire des sirènes, femme-poissons et autres créatures marines, toutes soumises au bon vouloir de la reine des mers; de l'autre celui des hommes, divisé en 100 royaumes. Chaque royaume est dirigé par un roi et/ou une reine et à ses propres spécificités, ainsi qu'une capacité hors du commun attachée à la famille des souverains (Elian, le prince de Midas par exemple, a du sang en or). Nous allons découvrir un certain nombre de ces royaumes à travers la quête d'Elian. Et nous allons aussi apprendre que les sirènes vouent une haine sans limites aux hommes.
Si le cœur des hommes apporte force et pouvoir aux sirènes (c'est d'ailleurs bien pour cette raison qu'à chacun de leur anniversaire elles partent en chasse), celui d'une sirène permettrait à l'humain qui le possède de ne plus être sensible à leur chant envoutant. Ici les sirènes n'ont rien de mignon mais, comme dans la mythologie grecque, elles charment, ou plutôt hypnotisent les hommes par leur chant. Elles les noient ensuite et leur arrache le cœur à mains nues. Elles possèdent une grande force, leur corps étant leur arme, et une dentition de carnassier. De plus, autre particularité, elles ont les yeux vairons; l'un deux étant de la couleur de leur mer d'origine et l'autre de leur chevelure (rouge pour Lira).
Les sirènes (et Lira en particulier) apparaissent comme des personnages constamment tiraillés entre ce que la reine des mers attend d'eux, et leurs propres aspirations. Elles sont sensées être solitaires, bannir tout sentiment et n'éprouver aucune pitié. Oui, la reine des mers est vraiment un personnage détestable, qui n'est pas sans nous rappeler la méchante Ursula… Il faut savoir que derrière chacune de ses actions il y a manigance et qu'elle n'épargne rien à sa fille (Lira donc) pourtant sensée lui succéder.
Elian, lui, est prince, mais ne se sent lui-même que sur son bateau, entouré de son équipage de pirates, qu'il a lui même constitué, à sillonner les mers pour chasser les sirènes et rendre ainsi le monde plus sûr pour ses condisciples. Il est étouffé par ses obligations et aspire à autre chose que ce à quoi il est destiné.
Elian et Lira sont donc des ennemis jurés, et pourtant, tout au fil du récit, Lira (qui elle connait la véritable identité du prince, contrairement à lui qui pense avoir secouru une femme et non une sirène) relèvera les similitudes entre eux.
Et si il existait une autre solution que s'entretuer ? Et si ce que l'on raconte à propos des sirènes était faux ? A mesure que le temps passe, les désirs de Lira évoluent, elle remet en cause tout ce que sa mère lui a inculqué de force. A mesure que nous avançons dans la quête fixée par Elian, nous allons de surprises en surprises. Le jeune-homme n'est peut être pas si habile, ni aussi perspicace qu'il le pense, et ce, à plusieurs niveaux…
Le royaume assassiné c'est plein de rebondissements, d'inattendu, de non-dits et d'action. Des personnages qui dépotent et forme une famille atypique et unie. Un univers avec une Histoire et une rancœur qui prend racine dans un lointain passé, et ne fait que croitre. Les batailles sont dépeintes avec force de détail et le contraste entre la Lira sirène et humaine très bien mis en évidence.
Cette lecture permet aussi une réflexion sur les carcans qui emprisonnent et empêchent tout un chacun d'être lui-même, sur le fait que la nature d'une personne ne définit pas ce qu'elle est : chez les sirènes comme chez les humains, il y a des individus cruels, calculateurs et assoiffés de pouvoir. Certains ont trouvé que Lira revenait très rapidement sur ces convictions, au contraire, je pense que cela planait depuis un moment déjà, qu'elle n'attendait qu'un signe pour laisser exprimer une part d'elle-même qui était jusque là confinée, opprimée par sa propre mère. Elian, par contre, est assez surprenant dans sa manière de prendre les choses, même si c'est ce qu'on appelle l'instinct.
Si ce n'est pas un coup de cœur, j'ai vraiment beaucoup aimé ma lecture et la dynamique qui s'en échappe, le mouvement constant qui l'accompagne: que ce soir sur terre ou en mer, la houle est toujours là ! Mon premier livre de la maison d'édition, qui ne sera sans doute pas le dernier.
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