Marlene
Auteur : Hanni Münzer
Éditeur : L'Archipel (06/02/2020)
Résumé :
Munich, juillet 1944. L'une des femmes les plus recherchées du IIIe Reich se tient face à la maison bombardée de Deborah et de son frère, qu'elle croit enfouis sous les décombres. Si elle était arrivée la veille, Marlene aurait pu les sauver.
Mais qui est au juste cette femme ? La veuve d'un notable connu pour ses sympathies nazies ? Une actrice en devenir ? Une résistante ?
Marlene va devoir prendre l'une des décisions les plus difficiles de sa vie : épargner la vie de millions de personnes… ou sacrifier l'homme qu'elle aime.
L'incapacité des hommes à se remettre en question est aujourd'hui encore un obstacle à la paix dans le monde.
Avis :
J'ai lu Au nom de ma mère, de l'auteure, il y a environ 2 ans. J'en avais gardé un bon souvenir et ai donc souhaité découvrir Marlene.
Je pensé que Marlene était une histoire totalement indépendante, se déroulant également pendant la guerre, mais il s'agit en fait du développement de l'histoire d'un personnage croisé dans Au nom de ma mère. Nous retrouvons donc certains personnages du premier roman de l'auteure. Il est néanmoins possible de lire, suivre et comprendre Marlene sans avoir, au préalable, lu Au nom de ma mère. Pour ma part, je n'en gardais pas un souvenir assez vivace pour me souvenir des évènements dans leur entièreté et, si j'ai tout de même suivi le récit, cela m'a un peu gênée, car je ne pouvais pas m'empêcher de chercher à faire des parallèles avec la première histoire.
Marlene commence à notre époque, alors que le personnage éponyme écrit ses mémoires et rencontre certaines personnes de son entourage pour leur en faire part. Puis, rapidement, nous plongeons au cœur de la seconde Guerre Mondiale, aux cotés de Marlene, la résistante, qui cherche à secourir Deborah et Wolfgang (les héros de Au nom de ma mère) mais ne trouve que les ruines de leur demeure.
Chaque chapitre s'ouvre soit sur une citation, souvent en rapport avec le chapitre, soit sur un "fait de guerre", soit les deux. Nous avons également un décompte avant le jour 0. Les faits de guerre sont des extraits de courrier, de discours, d'ouvrage ou tout autre document en rapport avec la guerre; ils nous permettent de constater des faits avérés, parfois chiffrés, parfois des réflexions… Si je les ai trouvé très intéressants et que j'ai parfois appris des éléments nouveaux, j'ai trouvé qu'ils coupaient trop le récit, hachant le rythme de lecture.
Marlene est un roman très dur car il aborde la seconde guerre mondiale du point de vue de la Résistance, et, à travers son héroïne, nous côtoyons Auschwitz et les horreurs perpétrées par les nazis en son sein. Il y a, parfois, quelques longueurs mais il est aussi poignant et m'a fait monté plus d'une fois les larmes aux yeux. Même si, dès le départ, nous pouvons savoir que certains personnages ont survécu, puisqu'ils sont évoqués (ou présents) dans la première partie, nous ne pouvons nous empêcher de trembler.
Le personnage de Marlene est doté d'une immense force de caractère, malgré tout ce qu'elle traverse, elle persévère encore et encore. Et l'auteure, en nous faisant pénétrer son esprit, nous décrit parfaitement les raisons qui la font s'accrocher à la vie et sa volonté de mettre fin à la guerre, par tous les moyens possibles. Trudi, est également un personnage très attachant et vraiment agaçant par moment. Petite fille (elle n'a que 13 ans au départ) plongée dans un monde mauvais, elle se croit invisible et est complétement inconsciente de la gravité possible de ses actes. Les deux femmes vont être soumises à rude épreuve durant leur mission d'espionnage, enchainant les galères, et à chaque fois que l'on pense pouvoir dire ouf, survient quelque chose de pire encore ! nous faisant parfois penser que l'histoire n'est plus très crédible: comment peuvent-elles s'en "sortir" et se retrouver à chaque fois… Mais après tout, en quoi les camps de concentration seraient plus crédibles ? Et pourtant, ils ont bien existé.
Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est la période de la fin de la guerre, lorsque les Russes et les Américains reprennent les territoires conquis pas Hitler. Il est intéressant de constater que ceux qui sont considérés comme les sauveurs, n'agissent pas forcément différemment des Allemands, qu'ils mettent un peu tous les Allemands dans le même panier: civils malmenés, "prisonniers" de guerre parqués dans des camps dont on ne connait pas réellement les conditions de vie… et suspicion à l'encontre de tous.
J'ai également apprécié connaitre le devenir des soutiens de Marlene durant sa captivité, le fait qu'ils aient gardé contact tout au long de leur vie (pour certains) et les liens qui se sont créés dans le pire des moments devenus plus forts que tout.
A travers Marlene, nous découvrons une femme attachante, intelligente et tellement forte. Une femme qui a su voir où étaient les priorités dans la vie et consacrer sa fortune et son temps à poursuivre ce qu'elle avait commencé en temps de guerre : punir les coupables; ces hommes qui ont profité de leur position pour commettre des atrocités et ce, de leur plein gré; ces hommes, manigançant pour leur propre intérêt sous couvert de servir Hitler et l'Allemagne.
Si Marlene est une fiction, il s'inspire pourtant de faits historiques et il met en avant les "putes de nazis", ces femmes, honnies par les autres prisonniers pour les avantages qui paraissaient leur être accordés, mais violées, jour après jour, par des brutes, des bêtes, n'ayant aucun respect pour leur vie; ces femmes, contraintes de céder leur corps pour survivre.
Marlene, rejoint à plusieurs reprise le récit d'Au nom de ma mère et, l'auteure nous surprend, sur la fin, lorsque nous prenons connaissance de l'identité d'un personnage disparu dans les deux romans. La boucle est bouclée et le monde ne pouvait être plus petit.
Le courage d'un seul pèse plus lourd que la lâcheté d'un millier.
C'est toujours le même engrenage infernal: les malfaisants lancent les crétins sur les gens intelligents parce qu'ils sont les seuls à pouvoir lire dans leur jeu.
Mais si on peut enthousiasmer des enfants pour l'idéologie national-socialiste, pourquoi ne parviendrait-on pas à en faire autant pour la morale, l'honnêteté, le respect et la tolérance, pour une coexistence dans la paix ?
Le rythme de l'existence est devenu frénétique, tout doit se faire en trois coups de cuillère à pot, vite, vite, gagnons du temps, mais pourquoi, au juste ? Pour gagner encore plus de temps pendant le laps de temps qu'on vient de gagner ? Quand pouvons-nous enfin souffler un peu ? Nous allons si vite que nous nous dépassons ! Et en chemin, nous oublions tout simplement de vivre.
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