Max
Auteur : Sarah Cohen-Scali
Editeur : GALLIMARD (15/05/2012)
480 pages
Résumé :
"19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l'on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l'enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d'autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d'aimer. Heil Hitler!" Max est le prototype parfait du programme "Lebensborn" initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l'Allemagne puis l'Europe occupée par le Reich.
Plus je grandis, plus je me rends compte à quel point les adultes sont bizarres, bourrés de contradictions. Les Braune Schwester ont suivi des stages chez les "physionomistes" pour être capables, en un seul coup d'œil, de savoir si un individu peut prétendre appartenir à la race nordique ou pas. Elles n'ont jamais eu l'idée de se planter devant un miroir ? De demander d'elles-mêmes leur "réinstallation" ?
Avis :
C'est dans le cadre du Prix Roman CSE Arquus, organisé dans mon entreprise, que j'ai découvert le livre coup de poing de Sarah Cohen-Scali. J'en avais déjà entendu parlé lors de challenges littéraires sur Instagram et, les avis de mes collègues allant dans le même sens, j'ai ouvert Max avec une grande curiosité.
J'avoue qu'il va être assez difficile d'en parler. Il m'a à la fois mise mal à l'aise et passionnée. Le choix narratif de l'auteur et intéressant et donne une force certaine au roman: en effet, tout au long du récit, c'est le jeune Max, d'abord fœtus, puis enfant, qui nous décrit le fonctionnement des Lebensborn ou nous fait l'éloge d'Hitler. C'est cet enfant, qui n'a ni père ni mère, si ce n'est l'Allemagne et le Führer qui nous livre des faits dont nous n'avions pas forcément conscience, et c'est terriblement dérangeant.
Le livre de Sarah Cohen-Scali est extrêmement bien documenté et, dans une note à notre attention, elle explique quelle est la part de "vrai" dans ses personnages. Que ce soit durant notre parcours scolaire ou les documentaires que nous avons pu regardé, on parle beaucoup des camps d'extermination et des atrocités commise par le régime nazi auprès des autres peuples. On parle peu de ce que le peuple allemand a lui-même subit, de la déshumanisation des enfants, destinés à devenir le futur de la race suprême, des parfaits petits aryens conçus dans cette optique. L'auteure se fait ici porte-parole du sort des enfants allemands, mais aussi étrangers répondant aux caractéristiques physiques désirées par les nazis; mieux, elle met ce "témoignage" à la portée des plus jeunes.
Même si… les mots sont durs, les images violentes; on se demande à partir de quel âge cette lecture peut être conseillée. Il s'agit d'Histoire, il faut en parler mais je pense que pour les plus jeunes, un échange doit accompagner la lecture de Max. Les descriptions du jeune allemand sont crues, sans filtre; que ce soit dans sa façon de décrire sa conception, celle de rapporter l'accouplement des SS avec des prostituées ou encore celle de décrire sa supériorité. Le fait que de telles pensées soient celle d'un tout jeune garçon renforce encore la répulsion qu'elles peuvent nous inspirer.
Max apparait comme un robot et non pas comme un enfant; comme une machine privée de sentiments, parce qu'on ne l'a pas aimé pour ce qu'il était mais qu'il représentait un idéal. Mis sur un piédestal dès sa naissance, il n'a aucune notion de bien ou de mal, connait juste les dogmes dont on lui a bourré le crâne. Il côtoie déjà la mort alors qu'il n'est pas encore né; pour lui, tuer ou "réinstaller" (comme il le dit si bien en langage codé) quelqu'un parce qu'il ne correspond pas à ce qu'on attend de lui est normal, habituel, mérité.
Un roman très dur donc, on a encore du mal à concevoir que de telles choses aient réellement existé; mais qui amène aussi à réfléchir. Sur le conditionnement, sur le doute qui s'insinue et qui commence à fissurer toute une éducation. Sur la libre pensée, le raisonnement et non pas l'application stricte d'une doctrine. Sur la famille, l'amour ou l'amitié. Sur le fait qu'il est difficile de discerner un monstre derrière le visage d'ange d'un enfant de 5 ans. D'ailleurs, comment percevoir le personnage de Max en tant que lecteur ? Comme une victime probablement, mais peut-on réellement s'attacher à quelqu'un pour qui débusquer des enfants et les arracher à leur famille est un jeu ?
Je ne sais pas vraiment ce que j'attendais de ce roman cependant, une chose est sûre, il m'aura bousculée, il m'aura contrainte à faire des pauses au cours de ma lecture, pour me permettre de digérer et surtout, il m'aura instruite et donné envie d'en apprendre plus sur les enfants dont il parle, sur ce qu'ils sont devenus.
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