Une fille modèle
Auteur : Karin Slaughter
Éditeur : Harper Collins (03/04/2019)
Résumé :
Deux frères s’introduisent dans une ferme isolée abritant la famille Quinn. Sam, 15 ans, est laissée pour morte, enterrée alors qu’elle respire encore. Charlie, sa sœur cadette parvient à s’enfuir. Vingt-huit ans après le drame, Charlie est devenue avocate. Elle est en première ligne quand Pikeville se retrouve à nouveau en plein cauchemar : Kelly Wilson, dix-sept ans, est accusée d’avoir tué deux personnes. Charlie est témoin, et des images dont elle aurait préféré ne jamais se souvenir commencent à affluer, l’obligeant à s’interroger : que s’est-il réellement passé lors de cette terrible journée, il y a presque trente ans'?
Avis :
Avec Une fille modèle, j’ai pu découvrir la plume de Karin Slaughter et surtout le personnage de Charlie (Charlotte - mais tellement plus de portes s’ouvrent aux hommes qu’aux femmes, et ce ne sont pas Sam(antha) et Harry(iet) qui diront le contraire) Quinn que l’on retrouve dans un autre livre de l’auteur : Dernier souffle. Je remercie les éditions Haper Collins pour cette lecture.
Le premier chapitre, sobrement intitulé « ce qu’il advint de Samantha » m’a laissée sur les fesses ; je me suis dit : Wow ! ça nous embarque, ça nous prend aux tripes, c’est dingue ! Le chapitre suivant, « 1 », se déroule 28 ans après les événements du précédent ; nous sommes propulsés dans la vie de Charlie d'une façon un peu perturbante, j'ai eu un peu plus de mal à accrocher à l'écriture. Vers le milieu du roman, nous trouverons un nouveau chapitre « ce qu’il advint de Charlotte » avant de nous trouver en présence de Sam 28 ans plus tard. Les deux sœurs vont se retrouver dans le « présent » et enquêtes actuelle / ce qu’il s’est réellement passé en 1989 vont se mêler.
Les personnages de Karin Slaughter, et particulièrement la famille Quinn, sont très spéciaux ; ils n’ont rien de particulièrement attachant, sont très intelligents à tel point que parfois ils font peur et surtout, sont des fortes têtes. Même s’ils ne sont pas doués pour montrer ou exprimer leurs sentiments, on sent que, malgré tout ce qu’ils traversent, il existe une complicité et un amour sincère dans cette famille hors normes. Si j’ai été un peu gênée par l’aspect psychologique qui prend clairement le pas sur l’enquête et le jugement de Kelly, jeune-fille accusé d’avoir ouvert le feu dans un collège, je me suis plutôt facilement laissée emporter par la plume de l’auteure, avec l’envie de savoir quelle était la vérité (passée et présente).
Charlie, Sam et Rusty (leur papa) ont vécu un drame, qu’ils ont chacun géré à leur façon, mais de l’adulte et des enfants devenues à leur tour adulte, qui s’en est le mieux sorti ? Au milieu des mensonges et des non-dits, chacun a essayé de se construire avec plus ou moins de succès. Nous nous trouvons donc confronté à des personnages complètement cabossés, qui pensent parfois peut être un peu trop aux autres avant de penser à eux. Les dialogues sont tantôt du tac-au-tac, drôles ou pleins d’ironie, tantôt portés par une réflexion très poussée, témoignant des prédispositions des personnages. Les deux sœurs ont une relation très particulière (encore une fois principalement à cause de non-dits ou d’incompréhensions) mais on sent qu’elles se soucient beaucoup l’une de l’autre, comme si elles souhaitaient que l’une, au moins, ait pu s’en sortir.
Charlie, sous ses airs de femme forte et sa grande répartie, cache une profonde blessure et le départ de son mari la plonge dans une grande détresse. J’ai trouvé quelques longueurs, il faut l’avouer, notamment lorsque Charlie doute encore et toujours de Ben (son mari) et qu’elle se complaît de sa situation ; ne faisant ainsi pas beaucoup évoluer les choses. Pourtant, les pages se tournent parce qu’on a envie de savoir; on est vraiment pris dans le tourbillon de ce que le drame du collège va engendrer sur son passage, en à peine quelques jours. Car l’intrigue principale ne dure finalement que quelques jours, quelques jours intenses durant lesquels nous sommes confronté à l’étroitesse d’esprit qu’une petite ville, la méchanceté de quelques-uns qui resurgit, les médisances et les mensonges qui sont servis pour abonder dans le sens de ceux qui nous apparaissent comme les « méchants » ; et encore, nous ne connaissons pas encore le fin mot de l’histoire. Et celui-ci, qu'il s'agisse du passé ou du présent, est renversant. Je ne vous cache pas qu’à force de suppositions j’avais découvert quelques faits mais cela va bien au-delà de ce que j’avais vu ; beaucoup de choses sont liées et Une fille modèle, c’est un peu un enchaînement malheureux (dramatique) de décisions prises par plusieurs personnages, l'effet papillon. Et si… ne peut-on pas s'empêcher de se dire (tout comme les personnages d'ailleurs).
Et au milieu de tout ça, il y a des idéalistes, des gens qui veulent donner une seconde chance… auraient-ils dû ? J'avoue avoir eu du mal à comprendre la relation de Charlie avec son père, ayant pour lma part l'impression que tout était "sa faute" à lui. On voit la propension des gens à condamner au premier regard. J’ai adoré le personnage de Sam et son implacable discours en salle d’audience, j’ai adoré Charlie, son admiration pour sa sœur et sa volonté de toujours bien faire et j’ai adoré le personnage de Lénore, l’assistante de Rusty, qui n’est pas ce qui parait et qui semble être la seule figure stable au milieu de ce champ de mines, la seule raisonnable qui prend soin de tous.
Je n’ai pas toujours compris Rusty mais les sentiments qui passent (parce qu’il faut un peu les interpréter) entre lui et ses filles sont vraiment touchants. Une fille modèle ce n’est clairement pas un livre gai, mais ce sont des personnages qui font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir avec les cartes qu’on leur a donné, et on aime à penser qu’ils n’y arrivent pas trop mal, ce sont des meurtres dramatiques qui vont avoir des impacts sur des vies durant un long moment, c’est l’amour d’un père dont les mots vont être interprétés par une petite fille ; c’est un condensé de réactions humaines, pas forcément les plus jolies. Mes seuls bémols seront la taille des chapitres (ils sont parfois conséquents), les longueurs que j’ai parfois ressenti et la complexité des personnages qui m’ont parfois mise mal à l’aise (je n’aime pas être dépassée par les personnages).
Il est fort probable que j'emprunte Dernier souffle à Elsa, histoire de voir l’évolution de Charlie.