Dieu & Sorcière - Angel Arekin

Dieu & Sorcière

Auteur : Angel Arekin

Editeur : Edition Plume Blanche (05/08/2025)

688 pages

Résumé :

Aren, assassin repenti, traîne dans sa fuite, le poids de ses péchés. Pour échapper à la mort, il se réfugie dans un vieil hôtel perdu au milieu des bois que les superstitions estiment hantés par des sorcières. Il y rencontre la belle et froide Lifren Morgeline qui, sous ses airs charmants, le scrute avec autant de prudence que de mépris.

Cependant, lorsqu’une nuit, Lifren revient blessée, portant le sceau d’une étrange plaie, ce qu’il découvre le stupéfie.

Alors qu’il pensait arpenter le chemin de la rédemption, Aren se rend vite compte que son destin lui échappe et qu’il n’est pas prêt à laisser tomber les armes.

Car tous, hommes, dieux comme sorcières désirent se servir de ses talents pour le crime… et du secret qui se cache au fond de lui.

Si l’ombre et la lumière n’ont pas le droit de s’unir, qu’adviendra-t-il de leur monde si l’incarnation même de la mort décide de ne plus obéir ?

Avis :

Après une courte pause, je poursuis ma découverte du pack Plume Blanche 2025 avec ce one-shot d'Angel Arekin. Il faisait, évidemment, partie de ces lectures que j'attendais avec grande impatience parce que Angel ♥ (j'ai lu un paquet de ses romans, j'ai très très rarement été déçue et elle a une plume absolument sublime) et, encore une fois, la notion de one-shot a un certain attrait à mes yeux en ce moment.

One-shot certes, mais c'est tout de même une belle pavasse de presque 700 pages à l'écriture serrée. Il m'a d'ailleurs fallu un temps d'adaptation pour m'habituer à la police d'écriture comme à l'univers dense de l'autrice. C'est en effet l'un des travers du tome unique en fantasy : moins de place pour développer l'univers et en, général, Angel Arekin conçoit plutôt des univers de dingue. Ça n'a d'ailleurs pas manqué ici ! L'univers, et les personnages, sont dévoilés au fil du récit, à mesure qu'Aren, LE personnage que tout le monde s'arrache, les découvre lui-même. Petit côté frustrant donc : le lecteur navigue à l'aveugle, même s'il se doute que les choses ne sont pas telles qu'elles paraissent.

Le texte est puissant. Tout au long on retrouve cette notion de bien vs mal, le fait qu'une action similaire peut ne pas être considérée de la même manière en fonction du pourquoi on l'accomplit, ou encore l'imperfection de l'humanité, le négatif sans lequel on ne pourrait pas apprécier le positif. Aren et Lifren sont, si l'on s'arrête à la surface, de total opposés : elle représente la lumière, se bat pour un idéal, une cause approuvée par les dieux; il est l'ombre, l'assassin implacable issu des bas quartiers, l'homme qui depuis tout gamin vole et tue pour survivre. Pourtant, ils ont plus en commun que ce qu'on pourrait penser, et c'est vraiment hyper intéressant de voir que même un combat "juste" demande des sacrifices, qu'obéir aveuglément aux ordres donnés, quand bien même ils le sont pas la personne la plus légitime, revient à faire un choix, à devenir responsable de ses actes et qu'il faut en assumer les conséquences.

L'autrice nous confine, dans un premier acte, à l'intérieur d'un hôtel fort original. L'hôtel rusé est tenu par les Morgeline, dernières descendantes d'une lignée de sorcières; il laisse uniquement entrer en son sein, les personnes dénuées de mauvaises intentions à la recherche d'un abri. C'est ainsi qu'Aren, fuyant la ville qui l'a vue grandir, croise la route de ces sorcières au caractère bien trempé. Le truc, c'est que les sorcières, il n'y croit pas. Il va donc se retrouver projeté, un peu malgré lui, dans un monde dont les frontières ne sont pas celles qu'il pensait connaitre. Lifren porte le poids de l'héritage familial sur ses épaules; sa mission : délivrer les âmes de ses ancêtres, prisonnières de la forêt avoisinante parce qu'elles ont voulu rappeler au dieu de la Mort quel était son rôle. Aren se retrouve lié à la sorcière et, lui qui n'a jamais eu la foi, va finir par côtoyer des dieux.

Angen Arekin revient, au cours de quelques chapitres intercalés dans le fil de l'intrigue principale, sur des évènements particuliers de l'enfance d'Aren et de Lifren; cela nous permet de mieux appréhender les personnages et de comprendre comment ils sont devenus ceux qu'ils sont aujourd'hui. On découvre également l'esprit analytique du garçon et sa capacité à mettre en œuvre des plans complexes. La plume de l'autrice est aiguisée, elle fait naitre avec brio des personnages qui bousculent, qui font rire parfois, qui touchent. Au delà des personnages, les créatures qu'elle crée sont démentes, et très attachantes pour certaines (je pense notamment à Lustrie et là encore, les apparences sont trompeuses).

J'ai adoré la double dimension de l'histoire, le jeu de Worset (jeu de stratégie apprécié par les personnages) transposé sur un plateau "réel", tous ces paramètres incertains qui n'ont plus la même importance que sur un plateau car les pertes ne sont pas les mêmes. J'ai adoré les dialogues, les liens qui se créent et qui semblent si évidents. J'ai aimé les remises en question, le fait que les "méchants" ne soient pas forcément là où on les attend, les quêtes identitaires et le chemin fait pour s'accepter, pour accepter de dévier du chemin qui a été tracé, pour accepter des sentiments qui ne devraient pas exister. Les scènes de combat sont grandioses; sanglantes, sans pitié mais impressionnantes.

Angel Arekin nous plonge au cœur d'un jeu de stratégie grandeur nature où tous les personnages sont un peu dans le flou, rares sont ceux qui détiennent l'intégralité des données. Mensonges, manipulations, anticipation de la stratégie du camp adverse, sentiments (qui viennent un peu foutre le bazar)… c'est un récit impressionnant de qualité et de réflexion. C'est aussi un récit extrêmement riche d'un point de vue vocabulaire (plusieurs mots inconnus au bataillon pour ma part). Un récit dont la conclusion est… aussi inattendue qu'évidente.