Mon coeur a déménagé - Michel Bussi
- Clem
- il y a 22 heures
- 4 min de lecture
Mon cœur a déménagé
Auteur : Michel Bussi
Editeur : Pocket (09/01/2025)
480 pages

Résumé :
« Papa a tué maman. »
Rouen, avril 1983. Ophélie a – presque – tout vu, du haut de ses sept ans. Mais son père n'est pas le seul coupable. Un autre homme aurait pu sauver sa mère.
Dès lors, Ophélie n'aura plus qu'un but : retrouver les témoins, rassembler les pièces du puzzle qui la mèneront jusqu'à la vérité. Et, patiemment, accomplir sa vengeance... Enfant placée en foyer, collégienne rebelle, étudiante évoluant sous une fausse identité, chaque étape de la vie d'Ophélie sera marquée par sa quête obsessionnelle et bouleversante.
Avis :
Cela faisait un certain temps que je n'avais pas lu/rencontré Michel Bussi et sa présence au salon Lire à Limoges a été l'opportunité d'y remédier. Pour l'occasion, j'ai choisi sa dernière parution en poche : Mon cœur a déménagé. Un roman dont je n'ai fait qu'une bouchée tant il tient en haleine.
L'intrigue se déroule sur une longue période puisque le roman se divise en quatre parties qui font chacune un saut dans le temps. Au début, Ophélie (surnommée Folette par ses proches) a 7 ans, nous sommes en 1983. Puis, nous basculons 6 ans plus tard, Ophélie a 13 ans. En 1995, nous la retrouvons du haut de ses 19 ans. Le roman se termine en 1999, soit 16 ans après son commencement. Au cours de ses seize années, les chapitres s'intitulent tous du prénom d'un personnage; pourtant, comme cela est courant, ce n'est pas parce que l'auteur laisse la parole aux personnages en question. En effet, la narratrice est toujours Folette, elle raconte son histoire, sa quête, sa vengeance, elle explique ce qu'elle a vu, ce qu'elle a compris et pourquoi elle a agit comme elle l'a fait; mais en fonction des chapitres, elle ne s'adresse pas au même interlocuteur, elle interpelle tour à tour son père, sa meilleure amie ou encore son éducatrice. J'ai trouvé cela assez original, avec l'impression qu'elle s'adresse au lecteur par la même occasion. Ce dernier se retrouve happé par le récit de cette petite fille, qui a grandi trop tôt à cause de son histoire, et la regarde traverser les années et jouer un rôle pour mener à bien sa mission, pour libérer la petite fille perdue qu'elle est encore au fond d'elle.
Dans les derniers chapitres, l'auteur choisi tout de même de raconter des bouts d'histoires dont Folette n'aura jamais connaissance. Pour ce faire, il laisse la parole à Josselin (le père de Folette) et Nina (sa meilleure amie) qui poursuivent l'enquête de la jeune femme. Ainsi, si Folette ne découvrira jamais ce qu'il s'est réellement passé ce soir là, le lecture, lui, en a la vision complète.
L'intrigue est vraiment prenante, d'autant plus que l'auteur nous livre la vision d'une enfant, dans toute sa candeur, qui a déjà compris que l'on ne pouvait pas compter sur tout le monde. Ses émotions sont brutes et saisissantes. Ce qui est également saisissant, c'est le système qu'il décrit : Michel Bussi nous plonge au sein de l'ASE (l'aide sociale à l'enfance) et, si certaines choses sont probablement romancées, d'autres, comme le fait qu'à partir de 18 ans les enfants ne dépendent plus de l'ASE et doivent se débrouiller sont des faits établis. J'ai beaucoup aimé Béné, l'éducatrice qui s'occupe de Folette, et Nina, celle qui devient sa sœur de cœur; la confiance que Béné gagne petit à petit, même si les filles ont conscience que ce n'est que son travail, que leur relation n'est pas "vraie". A travers Béné, on a un aperçu de toutes ces personnes engagées, qui s'investissent de tout leur être, parfois au détriment de leur propre bien-être, car comment accepter la détresse que l'on découvre chez ces enfants qui ont vécu, pour certains, le pire. On ne peut que souhaiter que tous les enfants en foyer rencontrent une Béné sur leur route. Je pense que c'est un roman qui touchera encore d'avantage les personnes qui côtoient de près le milieu social (je pense à toi Nadge) parce qu'ils savent déjà et que je pense qu'il est difficile d'en parler.
Folette est une jeune fille qui ne manque pas de volonté, ni de ressources. Son objectif en ligne de mire, elle est prête à tout pour le réaliser, quitte à impliquer d'autres personnes, quitte à tout sacrifier puisqu'elle pense ne plus avoir de raison de vivre. Mon cœur a déménagé parle de la vie des cités, mais aussi de l'injustice sociale et, particulièrement, de ceux qui n'hésite pas à se servir des autres pour s'élever. Il parle des conclusions que peut tirer une enfant et de l'impact que ces conclusions, qui deviennent des certitudes, peuvent avoir sur sa vie, sur celle des autres. Des silences et des non-dits qui débouchent sur des situations dramatiques. Et si… ne peut-on pas s'empêcher de penser.
Michel Bussi dessine des personnages vrais et touchants. Il fait de Folette une fille clairvoyante (sur les relations des autres) et pourtant aveuglée par sa vengeance, incapable de faire face à une vérité qu'elle tente par tous les moyens de travestir. Parce qu'elle en a besoin. Pour faire un deuil, pour avancer. Dans mon cœur a déménagé, beaucoup commettent des erreurs, ce qui ne les empêche pas de garder une part d'humanité, d'essayer de réparer. D'autres semblent irrécupérables, sans aucune conscience. Alors qu'une vérité semble se dessiner, l'auteur arrive à nous surprendre et nous offre un final en apothéose puisque la réalité est autre que ce qu'on avait pu imaginer, autre mais pas plus belle même si on y voir la dernière preuve d'amour d'un père pour sa fille.
Un roman qui se dévore, des personnages qui marquent, entre fiction et réalité, une plongée dans la vie des années 90, entre joies de l'enfance et manifestations étudiantes. L'histoire d'une enfant qui pense qu'elle ne peut plus aimer depuis qu'on lui a tout pris, un soir de 1983.
Commentaires