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Nous sommes faits d'orage - Marie Charrel

  • Photo du rédacteur: Clem
    Clem
  • 20 août
  • 4 min de lecture

Nous sommes faits d'orage

Auteur : Marie Charrel

Editeur : Les Léonides (20/08/2025)

400 pages

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Résumé :

A la mort de sa mère, Sarah se voit remettre pour tout héritage les clés d’une bicoque aux confins du monde, et une consigne : « Trouve Elora. » Direction l’Albanie, où elle découvre un village oublié, niché au cœur d’une montagne sauvage. Mais sur place, les locaux sont formels : Elora est morte il y a bien longtemps.

Trois décennies plus tôt, alors que le régime despotique d’Enver Hoxha étend son joug jusque dans les campagnes, Elora et son ami Agon se font une promesse : tant qu’ils seront ensemble, tout ira bien. Mais alors que l’adolescente n’aspire qu’à mener une vie sans entraves, sa mère la gronde ; et si les hommes, eux, sont libres, ils ont également l’obligation d’appliquer la vengeance du sang. Elora enrage – à quoi bon être la fille de feu, comme on l’appelle au village, si c’est pour vivre prisonnière ? Sur son chemin vers la liberté, la jeune fille pourra compter sur l’aide d’un berger collectionneur de poèmes. Ses choix détermineront la vie d’une lignée de femmes, dont Sarah.


Je n'ai que deux maîtres, la montagne et le ciel, car eux seuls sont source d'émerveillement. Ici, j'oublie les lumières factices de la ville qui entretiennent un désir jamais comblé. J'appartiens à ceux d'en haut : nous sommes faits d'orage, de pluie et vent.

Avis :

Nous sommes faits d'orage. C'est un livre que la plupart des membres du Comité de lecture Cultura de Limoges ont lu et il a été à l'origine de nombreux coups de cœurs. Je ne pouvais donc pas passer à côté.

Je me suis lancée dans le récit de Marie Charrel qui traite, entre autre, de l'entendue du communisme et de la chute du régime en Albanie. Certains passages n'ont pas été sans faire écho au livre de Nicolas Gaudemet (que j'ai lu récemment) et à la situation en Corée du Nord. Drôle de lien entre deux lectures.

Mais le roman de Marie Charrel traite de bien plus que la situation politique de l'Albanie. Sur trois époques différentes, nous découvrons les évènements qui se sont déroulés dans Le village sans nom. Petit village de montage autosuffisant où croyances populaires se mêlent au culte de la nature, superstitions et coutumes ancestrales.

Elora, dès sa naissance, est poursuivie par un présage. Les femmes du village qui jouent le rôle de sages-femmes, et principalement celle qui sera, plus tard, qualifiée de sorcière, l'ont prédit: la fille de feu aura deux vies mais connaitra aussi beaucoup plus de drames que les autres. L'enfance insouciante de la jeune fille et la vie qu'elle a toujours connue vont prendre fin lorsque l'idéologie d'Enver Hoxha arrivera jusqu'à son petit village.

Illir, le père d'Elora, a beau être un paysan, il est un homme lettré et passionné de poésie. En effet, il a, un jour, quitté le village pour gagner Tirana et s'inscrire à l'université. Il a participé à diverses actions jusqu'à ce que le régime le rattrape. Comme l'avait prédit la sorcière, ils sont partis à trois et ne sont revenus que deux. Nous découvrons, au cours de chapitres éparpillés dans le récit, ce qu'il s'est réellement passé à Tirana et l'incidence que cela a eu sur le futur.

Sarah, éco acousticienne Islandaise, a toujours su que sa mère était Albanaise. Si elle ne lui a jamais parlé de son passé, elle lui a raconté les légendes de son peuple, de la jeune femme qui trompait le diable à la puissante Kulshdra qui abat ses foudres pour punir les hommes. A la mort de cette dernière, Sarah hérite d'une maison dans Le village sans nom. Elle part alors à la recherche de son passé.

L'écriture de Marie Charrel est poétique. A travers ce récit qui entremêle croyances ancestrales, vengeance de sang et situation géopolitique, elle tisse la vie d'hommes et de femmes soumis à ces forces extérieures. Elle parle de ces montagnards, au travail difficile, en partie coupés du monde, aux coutumes parfois sauvages ou étriquées mais à l'esprit libre. Elle parle des nouvelles générations qui se détournent du travail de la terre, recherchant plus de facilité, attirées par une société de consommation. Les fils se croisent, les destins se dessinent et la nature se révèle, implacable. Il est question de rêves, d'espoirs, des attentes que font peser les anciens sur leurs descendants, de la vengeance qui demeure, des dégâts d'une politique extrémiste et de liberté. Cette liberté à laquelle aspire tant Elora, comme beaucoup d'autres.

C'est à la fois beau et tragique. Sombre et lumineux. Le lecteur cherche à trouver le pont entre les différentes époques et n'est pas au bout de ses surprises ! J'ai aimé découvrir l'Albanie et une partie de son histoire à travers les yeux de l'autrice. Encore une fois, la lecture a été source d'apprentissage, me révélant le passé d'un pays que je ne connaissais pas.


J'ai longtemps été en colère, moi aussi. Ça m'a presque tué. Je suis revenu ici et peu à peu, j'ai appris que cette émotion est inutile. Elle rend égoïste. Elle te contrôle et si tu n'y prends pas garde, elle te détruit. Ce qui est perdu est perdu, la vengeance est vaine. Nous pouvons seulement traverser la douleur pour découvrir ce qu'il y a de l'autre côté.
Comme beaucoup, songe-t-elle, le guide confond l'absence de sons humains avec le silence, car en vérité, aucun endroit sur terre ou presque n'est exempte de bruit. Même les endroits les plus reculés, les profondeurs de l'océan ou le cœur du désert vrombissent discrètement de craquètements, frottements, chuintements divers produits par le déplacement des masses d'air, d'eau, de sable, par le chant feutré des vies minuscules. Le silence absolu n'existe pas.

Des monocultures fragiles, plus exposées aux maladies et au réchauffement climatique. Parce qu'il a privilégié l'eucalyptus pour l'industrie du papier, le Portugal s'enflamme tous les été comme une boite d'allumettes. Parce qu'il s'est concentré sur les épicéas, l'est de la France voit ses arbres dépérir sous les attaques du scolyte. L'homme a voulu dresser des forêts selon ses propres lois. Aujourd'hui, elles se meurent.

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