Petite chose
Auteur : Lisa Brennan-Jobs
Éditeur : Les Arènes (06/11/2019)
Résumé :
Elle est née dans une ferme, a été baptisée dans un champ, puis élevée parmi les hippies de Palo Alto. Lisa Brennan-Jobs a vécu une enfance hors norme, entre son père, Steve Jobs, créateur génial et froid de la firme Apple, et sa mère, Chrisann Brennan, artiste au tempérament bohème. Petite Chose est le récit de ce va-et-vient entre deux mondes : pauvreté et ultra-richesse, précarité et pouvoir. C'est l'histoire d'une famille unique, mais qui ressemble à celle de tous les enfants vivant entre deux foyers. Chronique d'un amour malhabile entre un père et sa fille, Petite Chose est aussi un témoignage unique sur Steve Jobs, mort d'un cancer à l'âge de 56 ans, alors qu'il était à la tête de l'une des plus incroyables entreprises de notre époque et sur le chemin de renouer avec sa fille.
Quand j'étais petite, ma mère m'avait raconté que tous les enfants naissaient avec des ailes, mais que les médecins les coupaient à la naissance. Les omoplates sont ce qu'il en reste.
Avis :
J'ai pu découvrir le roman de Lisa Brennan-Jobs grâce à Babelio et son masse critique; j'étais curieuse de connaitre un peu mieux Steve Jobs dont le nom si célèbre ne me parlait pas plus que cela.
Petite chose porte bien son nom; Lisa était la chose de son père, tellement en manque d'amour, avec un tel besoin de reconnaissance de la part de l'homme qui semblait si peu la considérer, qu'il en faisait, inconsciemment, ce qu'il en voulait. Lisa était prête à tout pour avoir l'attention de son héros: il aime les belles, femmes, qu'à cela ne tienne, elle sera la plus belle. Et du haut de ses quelques années, la voici à porter des tenues peu convenables, à se maquiller et à considérer les garçons avec beaucoup plus de sérieux que ses études. Jusqu'au jour où il qualifie sa petite amie de belle et intelligente; Lisa comprend alors que pour lui plaire elle devra aussi étudier avec sérieux. L'impact que cet homme, si peu doué avec les enfants, a eu sur la construction de sa fille est phénoménal.
On dit que les enfants sont égoïstes, force est de constater que c'est le cas ici. Alors que sa mère l'élève seule depuis sa naissance, dans la mesure de ses moyens, toute femme seule qu'elle est, Lisa n'a de cesse que de rechercher l'amour et la reconnaissance de son père, qui a plu d'une fois affirmé en public qu'elle n'était pas réellement sa fille, mais que comme elle n'avait pas de père il s'en occupait. Elle recherche son approbation, veut se sentir acceptée dans sa famille, trouver enfin sa place. Sa mère l'aime sans qu'elle n'ait rien de particulier à faire, elle le sait; pourquoi faire des efforts dans ce cas ?
Un autre fait avéré est qu'un enfant, même de toute sa hauteur, ne perçoit jamais tous les tenants et aboutissants d'une affaire d'adulte; et c'est encore pire si on ne lui explique pas les choses et qu'on le laisse tirer ses propres conclusions à partir des informations qu'il entend. Car un enfant entend tout.
Tiraillée entre sa mère, dont elle a parfois honte, car elle ne correspond pas à l'image qu'elle se fait de la mère idéale, et son père, inaccessible et imposant, la petite Lisa tente de se faire une place dans le monde. Avec sa famille dysfonctionnelle et ses repères parfois inexistants, elle se construit en prenant pour modèle les différents adultes qui l'entourent et pour lesquels elle éprouve de l'admiration.
A travers son récit, qui ne juge à aucun moment, si ce n'est son propre comportement alors qu'elle était ignorante de certains fait, on découvre la personnalité de Steve Jobs. Un génie mal a l'aise dans les relations sociales, une forte personnalité avec des idées bien arrêtées et une piètre estime de soi en matière de relations amoureuse. Un homme qui assène à sa fille adolescente qu'il faut qu'elle prenne conscience des conséquences de ses actes alors que lui-même semble les ignorer. On ressent également tout ce qu'il représente pour Lisa, toute la fierté qu'elle a d'être sa fille, et la peur qu'il ne l'abandonne.
Enfant dans un monde d'adulte, ces derniers se confient parfois à elle, en dehors de toute limite, lui demandant conseil sur des sujets qu'un enfant ne devrait pas connaitre.
Lisa Brennan-Jobs nous présente des souvenirs éparses de son enfance, de sa relation avec ses parents, de sa recherche d'elle-même, de la place à occuper dans la société, elle nous raconte également des bribes du passé de ses parents, à travers ce qu'ils lui ont eux-mêmes dévoilé. Elle nous touche en nous dévoilant son intimité, son mal être. Il n'y a pas vraiment de chronologie dans son récit, juste des anecdotes les unes à la suite des autres, regroupées par thème, parfois un souvenir dans un souvenir.
Plus de 500 pages, on trouve quelques longueurs, on a envie d'entrecouper notre lecture par une autre, mais globalement, l'intérêt est maintenu tout du long, on s'attache à cette petite fille qui grandit à une autre époque que la notre, sur un autre continent.
Sur la fin, alors que Lisa renoue avec son père très malade, on arrive à voir les choses différemment, à comprendre qu'il aimait sa fille à sa façon, mais qu'il ne savait pas exprimer son amour et surtout qu'il ne jouait pas du tout un rôle d'adulte, préférant bouder en cas de déconvenue. Leurs retrouvailles sont en quelque sorte touchantes mais pleines de regrets.
J'ai passé un agréable moment de lecture, appréciant découvrir le côté privé de Steve Jobs à travers les yeux de celle qu'il qualifiera de son "erreur". Il apparaît à la fois comme un homme fascinant et méchant (froid comme le dira sa femme). J'ai également apprécié la jolie plume de Lisa, et son parcours peu conventionnel; j'avoue être impressionnée par le nombre de souvenirs qu'elle a gardé de son enfance, peut-être est-ce un peu romancé. Pour ma part, je ne pense pas avoir en mémoire autant de faits marquants.
Comments